Musique du silence, plutôt que musique silencieuse. Dès le bruissement d’ailes dorées de l’Angelico qui ouvre le Livre de 1959 (et donc tout le cycle écrit sur presque dix ans), Stephen Hough ouvre la porte mystique que désignent les fragments de chansons catalanes, les esquisses brisées de rythmes de sardanes : musica callada, musica catalana, le pianiste anglais sait, depuis sa prodigieuse relecture des Cancions y Danzas, Charmes et autres Paisajes, que le silence chez Mompou est la manifestation de la spiritualité. Un peu plus d’un quart de siècle séparent les deux albums, c’est peu dire que Stephen Hough aura pris le temps de se perdre et de se trouver dans ces effleurements de notes, dans cet hypnotique labyrinthe de songes éveillés. Il se garde bien comme tant d’autres d’en réduire jusqu’à l’abstraction, jusqu’à la blancheur ces presque riens où s’impose le souvenir des Préludes les plus murmurés de Debussy. Son piano prône le plein jusque dans le quasi silence, la profondeur dans l’immatériel, et joue des timbres comme de ceux d’un gamelan lointain. Fascinant, et si différent de tout ce qu’on y aura tenté, peut-être l’un de ses plus grands disques, écoutez seulement. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé) Le piano de Mompou, c'est avant tout celui de la sonorité, du timbre et de la résonance. Peu de notes souvent, une pédale bien enfoncée, puis le flot musical prend toute sa place, sa surface et sa profondeur. Le musicien apprécie par-dessus tout la "musique silencieuse" - du nom de l'un de ses plus célèbres recueils, Musica Callada composé entre 1959 et 1967 - la vibration des notes comme celles des cloches. Sous les doigts de Stephen Hough, les mélodies s'évanouissent ainsi dans l'air, parfois après de violentes attaques lorsque les doigts ont percuté les touches jusqu'au fond du clavier. L'écriture paraît simple, d'une simplicité même déconcertante. Une telle quête de pureté s’avère délicate. Mompou invente avant l'heure la "nouvelle simplicité" et une forme de modernité qui s'impose aujourd'hui. Enfin, le musicien espagnol puise ses harmonies dans le piano de Chopin. Toutefois, au lieu de les ornementer, il les distille avec une surprenante économie de moyens. Les sonorités jaillissent avec cette sensation de frôler la dissonance, d’éviter la consonance. L’acidité des harmonies interpelle nos oreilles et l’interprète joue magnifiquement de ces sonorités qu’il se plait à éloigner puis à rapprocher de l’auditeur. Il crée un sentiment d’improvisation alors que l’écriture musicale est d’une extrême précision. Entre Erik Satie et John Cage, la musique de Mompou qui ne s’éloigne jamais des sensations de l’univers ibérique, offre une voie(x) d’une profonde originalité. Stephen Hough semble respirer cette œuvre sans équivalent. (Jean Dandrésy)
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