L’entrée du disque, "Frontispice", est un murmure, un presque rien de son. Les feuillets qui suivront seront joués dans la même discrétion, le même son comme éteint. Ces musiques, Pavel Kolesnikov les a intériorisée au point d’en faire ses fantômes, avec lesquels au long de l’album il dialogue en mots nostalgiques, parfois un peu tourmentés, souvent au bord de l’effacement, comme si les notes de Reynaldo Hahn succédaient à celle de "Des pas sur la neige". Et puis quand même le Chérubin tragique ramène le grand jeu un peu ironique si cher à l’auteur de "La Carmélite". Les Valses, qui font intermède, sont délicieuses, et "Ninette" capricieuse à souhait a des petits airs latino. La seconde sélection du "Rossignol éperdu", commencée par l’impondérable "Eros caché dans les bois" emmène loin dans les mystères de ce cycle inépuisable, où Pavel Kolesniklov enlève chaque marteau de son piano, faisant son clavier ondiste, lui donnant des visions d’opiomane. Sublime, et évidemment après cela, on veut ses Debussy ! Le texte de Camille de Rijck est un régal. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé) On programme, on entend, on joue du Reynaldo Hahn… Certes, encore timidement, mais sous l’inspiration d’éditeurs de partitions, les pianistes disposent de l’œuvre de ce compositeur attachant. Un compositeur rare et que le pianiste nous informe avoir découvert durant le confinement ! De pièces en pièces, il est tombé sous le charme. Avec presque rien, Hahn écrit une musique soyeuse et raffinée. Nous ne sommes plus vraiment dans l’impressionnisme ou le romantisme, mais dans des jeux d’atmosphères avec quelques notes de Passante, de la danse de l’amour et de l’ennui (quel titre proustien !). Ces pages extraites des 53 pièces du volumineux recueil "Le Rossignol éperdu" se créent, sous les doigts de l’interprète, à la manière d’improvisations, dans les notes longues et mourantes qui font songer à l’espagnol Mompou. Le feu bouillonne toutefois dans certains morceaux comme ce Chérubin tragique, sorte d’hommage irisé et impétueux à Fauré. Parfois, l’humour néoclassique l’emporte comme dans le babillage de la Fête de Terpsichore. Kolesnikov a raison de parler de la vision, parfois, d’un tableau de Watteau. Capté de près, le piano Yamaha CFX qu’il joue est admirablement harmonisé. Il souligne la sève de ces pages que l’on interprète avant tout pour soi. Au milieu des deux cycles, six valses, post-chopiniennes et donc indansables sont de véritables miniatures. Elles poursuivent un art de la musique de salon, aussi subtil qu’éphémère. Un disque charmant. (Jean Dandrésy)
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