Le jeu du pianiste argentin dans les trois opus beethovéniens fait merveille : un toucher fluide et subtil, une approche très “classique”, loin des excentricités de tant d’interprètes. L’enregistrement fut réalisé à Munich en 1983. Il suffit d’écouter les premières mesures des 32 Variations WoO 80 pour être séduit par l’absence d’emphase, le sentiment d’une narration permanente. Beethoven (tout comme Brahms) demeure l’un des répertoires favoris de Bruno Leonardo Gelber. En témoignent ses interprétations de concertos sous la baguette des plus grands chefs. Dans les variations, la construction de l’interprète est d’une efficacité totale et d’une technique sans faille. Il ne propose pas une succession d’atmosphères, mais une narration élaborée dès la première mesure, à l’instar des cycles de lieder germaniques. Il est difficile d’interrompre l’écoute d’un tel pianiste, littéralement habité par l’élan de l’inspiration beethovénienne. (Jean Dandrésy)  Infortuné Bruno Leonardo Gelber! Qu’un si grand artiste, l’un des tous premiers pianistes de sa génération, ait pu se voir à ce point trahi par le disque ! Son premier éditeur EMI avait enfermé son piano versicolore dans une boite à clous (sinon pour les Concertos de Brahms…), puis Denon aura surexposé son jeu si physique au long d’une dizaine de disque gonflés au digital, dont une intégrale des Sonates de Beethoven jamais menée à terme. Heureusement, du 14 au 16 décembre 1983, dans un studio de la radio de Munich, et sur un Steinway royal, Orfeo lui faisait enregistrer trois cycles de Variations de son cher Beethoven, captant toute la fougue qu’il dispensait sans compter au concert. Piano absolument beethovénien par l’élan, l’ampleur, le fuoco, mais aussi par cet art des respirations qui creuse les polyphonies. Alors cette main gauche diseuse, unique, colore tout l’instrument. L’art des registres est inouï au long des fulgurantes Variations en Ut mineur, chef d’œuvre que Claudio Arrau chérissait avec raison. Ecoutez seulement le sfumato irréel de la variation dolce, si saisissant avant les tonnerres : Bruno-Leonardo Gelber équilibre le langage beethovénien entre raison et improvisation, surprenant l’auditeur au détour de chaque page, cela vaut aussi pour les Eroïca dont la fugue atteint à l’insensé, et même pour les plus modestes « leichte Variationen ». Le disque fit grand bruit, on espérait une suite mais las ! Ce fut le seul opus du pianiste argentin pour le label munichois qui au moins le rend à nouveau disponible, sans toutefois avoir fait l’effort de plager chaque variation, comme, vainement, je l’avais espéré. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)

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