Les Concertos d’un virtuose ? Pas seulement. Le Premier Concerto proclame d’emblée des moitis sombres, une tension qui le rapprocherait de Grieg. Illico on entend ce qui fait tout le sel de Reinecke, le lyrisme mélodique qui même dans la structure classique du concerto viennois, apporte une notion rapsodique. Simon Callaghan lui donne ce grand caractère que jadis Michael Ponti y mettait, dommage que l’orchestre soit un peu en retrait. Modestas Pitrènas et son Orchestre Symphonique de St Gallen seront plus inspirés dans la partition de pur charme et brio qu’est le Deuxième Concerto dont je me suis toujours demandé pourquoi il était le moins aimé (et surtout le moins joué) des quatre. L’œuvre est de bout en bout délicieuse, inspirée jusque dans ses apartés et le finale adorablement bavard demande un pianiste qui joue léger, preste, et timbré, ce que Simon Callaghan réussit avec un surcroit de charme. Le Quatrième et ultime Concerto composé en 1900 est lui aussi pur charme, avec ses motifs dansés et ses éclats virtuoses, une touche un rien nostalgique s’y ajoute, mais comment ne pas entendre que le compositeur y cherche une nouvelle voix sans vraiment la trouver. Schumann est encore présent dans une œuvre qui regarde pourtant vers l’avenir, plus d’une fois cet univers entre deux mondes semble rêver à ceux de Rachmaninoff et de Medtner, ce que Simon Callaghan, avec son tropisme russe, fait sentir avec art. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé) En dépit de sa longévité et de l’abondance de sa production très diversifiée, Reinecke (1824-1910) reste dans l’ombre de Brahms et de Bruch bien qu’il se nourrît surtout des influences de Mendelssohn et de Schumann. Ces références caractérisent pleinement son style de compositeur : conservateur indéniablement, mais nullement réactionnaire. Parmi son catalogue de 288 œuvres en témoigne notamment son œuvre pour piano. Michaël Ponti (1937-2022) enregistra brillamment le 1er Concerto au début de 1973 (Vox CDX5065) puis le second en 1997, trois ans avant son AVC, pour le défunt label Dante. Gerald Robbins (1945-) a enregistré, également en 1973, les deux premiers concertos (Genesis 102) sous la direction d’Edouard Van Remoortel. Enfin, en 1994, Klaus Hellwig, sous la direction d’Alun Francis, livra son interprétation scrupuleuse des quatre concertos pour piano de Reinecke (CPO999239). Aujourd’hui, très curieusement, Simon Callaghan propose les deux premiers et le dernier de ces concertos, omettant le troisième (en ut majeur, op. 144), réputé cependant le meilleur de l’ensemble. Faut-il espérer l’enregistrement de cette œuvre, couplée avec l’un de ces « Concertos romantiques » oubliés dont Hyperion s’est fait une spécialité ? À l’audition du présent disque, c’est à souhaiter car ces concertos, sans être révolutionnaires, témoignent d’une qualité de conception et d’écriture remarquable : le lyrique mouvement lent du second concerto op. 120 (1872) faisant dialoguer le piano en trio avec le violon et le violoncelle semble même avoir inspiré Brahms (op. 83, 1878-1881) et Tchaikovski (op. 44, 1879-1880). Par ailleurs Simon Callaghan se révèle ici être un pianiste aussi brillant que sensible dont les interprétations égalent aisément et dépassent même les prestations élégantes de Gérald Robbins et Klaus Hellwig, Michaël Ponti demeurant hors norme par la bravoure de son engagement. Le Sinfonieorchester St Gallen, que l’on avait connu dans la même série accompagnant Howard Shelley dans des concertos de Benoît et Dupont (Hyperion CDA68264), est ici pleinement à la hauteur de sa tâche, le chef lituanien Modestas Pitrenas excellant à lui faire rendre toutes les subtilités d’une orchestration raffinée. Une nouvelle réussite de l’inlassable label anglais. (Jacques-Philippe Saint-Gerand)
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