Comme tant de compositeurs contraint de fuir l’avancée de l’armée allemande, Mieczyslaw Weinberg se réfugia en Crimée, s’installant finalement à Tachkent. Une mansarde, une petite table lui suffirent pour écrire ses "Cinq chants juifs", qui sont bien plus que de simples arrangements : une ironie douce amère y perce derrière le charme imparable des mélodies, que l’écriture piquante du trio, évoquant un petit orchestre klezmer, augmente encore. Le cycle est resté peu couru au disque et c’est peu d’écrire que Kateryna Kasper s’y fait magicienne dans la complicité de ses amies du Trio Vivante, et sait être déchirante dans la "Lettre de l’orphelin", chef d’œuvre absolu parmi les chefs d’œuvre de Weinberg, qui, au plus sombre de la guerre, proclamait son identité sémite. Son soprano clair, tranchant, magnifie également les "Poèmes" d’Alexander Blok, cycle majeur composé par Chostakovitch en 1967, sans les excès expressionnistes qu’y imposait Galina Vichnevskaïa. Ici tout est plus sur le fil de la voix, dans l’intelligence des textes, et avec l’accord sensible d’un trio qui laisse la primauté à ce chant qui n’est que poésie. C’est d’abord aux deux cycles vocaux que vous irez, si parfaitement incarnés par une chanteuse qu’il faudrait suivre, puis au grand Trio de Weinberg, vraie symphonie à trois qui ici manque un peu d’ampleur. Bémol supplémentaire, ne pas avoir mis en regard plutôt que le bref Premier Trio d’un tout jeune Chostakovitch, son Second, pétri de chants juifs et donc autrement accordé au sujet de l’album , mais cela aurait demandé un second CD… (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé) Quel disque formidable ! Par son programme d’abord, aussi rare qu’intelligent, qui rassemble deux géants du XXème siècle qui, outre l’amitié qui les lia, ont tant en commun dans leurs sources d’inspiration comme dans leur langage musical, Dmitri Chostakovitch (1906-1975) et le Polonais devenu russe Mieczyslav Weinberg (1919-1996). Deux trios avec piano, pour Chostakovitch une fulgurance de jeunesse, un trio d’un seul mouvement (1924) beaucoup moins joué que le second, de vingt ans plus tardifs. C’est à la même époque (1945) que Weinberg écrit le deuxième de ses trois trios pour piano, l’influence de son aîné est manifeste, notamment dans le recours à un matériau mélodique d’essence populaire. Le trio Vivente, formé de trois musiciennes allemandes, Jutta Ernst (piano), Anne Katharina Schreiber (violon) et Kristin von der Goltz (violoncelle) est magnifique d’engagement, de cohésion, de plénitude sonore. Quel disque formidable aussi en ce qu’il donne à entendre deux cycles vocaux rares. Si les sept romances sur des textes du grand poète russe d’Alexandre Blok (1880-1921) qui appartiennent à la dernière période créatrice de Chostakovitch, ont déjà eu les faveurs de plusieurs grandes voix au disque, le cycle de chants juifs de Weinberg sur des textes d’Itzhak Lojb Peretz dans cet arrangement pour soprano, violon, violoncelle et piano, est une première. Le timbre, le velours profond, de la voix de la soprano d’origine ukrainienne, Kateryna Kasper, une parfaite diction du russe - si importante pour la restitution de ces poèmes et pourtant si difficile pour des chanteuses non russophones – établissent une nouvelle référence tant pour Chostakovitch que pour Weinberg. Un grand et beau disque ! (Jean-Pierre Rousseau) Long before the founding of the Trio Vivente, Anne Katharina Schreiber, the trio’s violinist, heard a radio broadcast about Shostakovich’s Romance Suite and the circumstances of its premiere. She was so deeply moved that she later absolutely wanted to incorporate the suite into the Trio Vivente’s repertoire. However, the search for the right Russian-language female vocalist long remained without success – until she met the singer Kateryna Kasper. While studying Weinberg’s trio, she discovered just how closely the two composers had worked together. It thus seemed only natural to combine their works, and since Weinberg’s Jewish Songs also exist in a version for soprano and trio, a perfect circle was formed. This is how this CD featuring trios and songs by these two expressionistic composers came about – and it is filled with expressive power!
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