James MacMillan Oratorio de Noël Crowe Williams Elder - LPO0125 - Contemporain - par LPO

Compositeur hors école, MacMillan ose - et avec quel génie ! - un Oratorio de Noël, trois siècles après Bach. Pour lui, tradition et modernisme se fécondent réciproquement et la musique contemporaine gagnerait à se défaire de ses glacis idéologiques : la spiritualité d'un Bach embrassait l'universel, comme le fait, au-delà du sens étymologique du terme, le « catholicisme » ancré depuis l'enfance en MacMillan. Joie, souffrance, cimes et abîmes y ont leur part : en témoigne le caractère quasi obsessionnel qu'a ici le massacre des innocents. La temporalité biblique tient du palimpseste : dans les Évangiles, naissance, enfance, mort, résurrection du Christ - déjà latentes dans les prophéties de l'Ancien Testament - se recouvrent autant qu'elles s'enchaînent. Se démarquant du « spiritualisme de la pureté » d'un Pärt (trop univoque et abstrait), MacMillan conglutine et stratifie ces événements en un diptyque dont chaque volet comprend 7 mouvements organisés en palindrome (sinfonia / chorus / aria/ tableau / aria / chorus / sinfonia). Jeu de reflets inversés permettant une ingénieuse distribution des protagonistes et des formes. Mais c'est la différenciation des sonorités, des intensités et des nuances, d’une subtilité incroyable, qui donne à l'ouvrage sa puissance d'irradiation. « Feutré » « amorti », « ténu » sont ici autant d’espèces sonores singulières. L'espace paraît s'agrandir sous l'effet de diverses conjonctions : rêverie éthérée d’une voix de soprano sous-tendue par des graves, tintinabulations de harpe et de célesta, ornements subliminaux qu’un violon fait naître dans un fragment d’aria. Et sous les soudaines explosions en rafales des percussions, annonciatrices de menaces. Les fragments liturgiques du grégorien sont traités de façon polyphonique (4 voix) et incrustés d'intonations, d'éclats issus d'autres syntaxes musicales : extraits de carols populaires, rythmes de fanfares… L’homogénéité du chorus 4, traduction d'une vieille berceuse gaëlique, fait contraste. Les arias, sur des poèmes du XVIe siècle saisissent la Nativité à travers le prisme d'une vision subjective, marqueterie expressive où joie, sérénité, humilité, gloire, contemplation, dramatisme se succèdent ou se combinent. Tous les interprètes sont rassemblés dans les deux tableaux où s'opère dans une splendeur orchestrale vertigineuse l'éblouissante transposition opératique des récits bibliques tels qu'ils figurent dans la version anglaise de l'Évangile de Matthieu (tableau 1) et de Jean (tableau 2). Un chef d'œuvre ! (Bertrand Abraham)