 Enregistrement fascinant ! Afin d'obtenir la stabilité de la tensions des cordes et de l'accord selon le principe des cordes ravalées (scordatura) de Biber, Alan Choo emploie six violons distincts, préalablement accordés selon les volontés du compositeur. Ces enregistrements, réalisés sur onze jours entre septembre 2022 et mai 2023, illustrent magnifiquement le langage musical unique de Biber au service duquel la virtuosité et l’adhésion esthétique d’Alan Choo ajoutent leur engagement. Les sonates du Rosaire, composées en 1678 réunissent trois cycles de cinq "mystères", chacun dépeignant de manière vivante des événements clés de la vie de Marie et du Christ. Choo s’avère un parfait intercesseur de la dimension spirituelle de ces œuvres : en témoignent l'Adagio réfléchi de la sonate n° 3, le sens évident de l'architecture des mouvements tels que la Ciacona de la sonate n° 4, ou le "Surrexit Christus hodie" de la sonate n° 11 et surtout de l’immense Passacaille finale sans accompagnement (n° 16). Sa sensibilité aux éléments programmatiques est immédiate dans les mouvements d'ouverture des sonates n° 3, 9 et 13, le Lamento du n° 6, la Sarabanda du n° 7 et le Præludium des n° 1 et 10. Sans jamais surjouer, le soliste expose avec un goût très sûr et historiquement informé les éléments dramaturgiques du projet de Biber, car Alan Choo fait constamment preuve ici de son sens du détail et de l’architecture d’ensemble. L’accompagnement engagé d’Apollo’s Fire sous la direction de Jeanette Sorrel expose une richesse instrumentale saisissante qui ajoute à la prestation du soliste. Ces méditations musicales profondément émouvantes, captées de près, avec une ample résonance spatiale, prennent alors une place de choix parmi les enregistrements plus anciens entre autres de Susanne Lautenbacher, Reinhard Goebel, John Holloway, Gunar Letzbor, Rachel Podger, Andrew Manze, Amandine Favier ou Florence Malgoire…. Deux CDs à thésauriser. (Jacques-Philippe Saint-Gerand)  Tout un quasi orchestre pour le Rosaire ! Jeannette Sorrell s’en explique dans sa note d’intention. Le grand théâtre d’émotion, le geste rhétorique comme la narration que Biber aura laissé ouverts à l’imagination des interprètes lui aura dicté un continuo d’une opulence assumée, retrouvant en sonorité les profondeurs somptueuses des tableaux religieux de l’Allemagne du XVIIe Siècle. Les Sonates du Rosaire furent elles jamais à ce point picturales ? L’orgue, la théorie d’instruments à cordes pincées (clavecin, théorbe, guitare baroque, lirone, harpe triple), dorent de leurs myriades ce violon ardant qu’Alan Choo fait danser ou prier, le gardant toujours dans une mesure spiritualiste qui refuse les effets dramatiques que tant y auront exaltés. C’est qu’il faut d’abord narrer ces poèmes de la vie et de la Passion de Jésus, conduire peu à peu au drame de la crucifixion, et assumer l’élévation spirituelle qui transcende la poésie mystique de Biber à compter de la Résurrection. Au long de ce voyage spirituel Alan Choo jouera six violons différemment accordés, Jeannette Sorrell avouant avoir attendu vingt-cinq ans pour trouver enfin un violoniste saisissant l’œuvre dans tous ses aspects. Le plus étonnant de l’affaire reste qu’enfin seul, et à nu, dans la danse alentie de la Chacone de l’Ange Gardien, par quoi Biber referme son rosaire, Alan Choo transcende soudain la quête en pur mystère. Remarquable. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)

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