Le vaste linceul qui couvre l’Andante introductif de la Sonate rappelle que Kabalevski écrivait alors de la même encre son Requiem. Partition au noir vraiment, et chef-d’œuvre qui domine le catalogue chambriste de l’auteur, composé pour la grande caisse de Mstislav Rostropovitch que tant de noirceur ne pouvait effrayer. Marianna Tarasova relève le défi, sans l’archet autoritaire du dédicataire, mais avec autant de souffle, quelle œuvre sinistre où le piano d’Ivan Sokolov sonne tel un glas dans cet andante sans espoir. Deux Allegros suivront, le premier étrange jusqu’au fantasque, le second emporté par un ostinato rageur. D’un tout autre monde semble provenir la Sonate que Vissarion Chebalin composa trois ans avant sa mort, partition lyrique dont la violoncelliste empoigne avec la générosité qu’on lui connait les quatre mouvements, Allegro assai lyrique, Vivace en ostinatos joueurs, Andante où résonne un vieux chant russe, Allegro flamboyant, décidément l’œuvre est belle et mériterait d’être plus souvent jouée. Au centre du disque, l’Andante du Concertino de Prokofiev resté inachevé à la mort du compositeur, et tel qu’il l’avait noté pour les seuls violoncelles et piano, d’autant plus émouvant dans le geste si lyrique de ce beau duo. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé) Les compositeurs de l’union soviétique stalinienne n’ont pas eu l’existence facile que nous pouvions trouver à l’ouest, tiraillés entre une tradition musicale russe de premier ordre et une dictature prolétarienne aliénante – et le mot est faible ! Il en fut ainsi pour Serge Prokofiev (1891-1953), Dimitri Kabalevski (1904-1987) et leur contemporain Vissarion Chebaline (1902-1963). En miroir il en est de même pour les interprètes, dont l’école russe de violoncelle, post-romantique, sauvage, populaire et engagée, représentée par Mstislav Rostropovitch et Sviatoslav Knuschevitzki et dont Marina Tarasova est la digne héritière. Celle-ci nous propose alors avec le pianiste Ivan Sokolov un programme de sonates des années 1960 où, si on oublie les affres de l’histoire, toute l’âme slave se reflète. Dés les premières notes de l’andante molto sostenuto de la sonate op. 71 de Kabalevski, nous sommes happés par un lyrisme tragique déstructuré ensorcelant exploitant toutes les ressources du cello – legato, pizzicato, sourdine…- dans un dialogue particulièrement acéré avec le piano poussé au paroxysme dans l’allegro molto, quasi scherzando, du final. Suit l’andante du concertino de Prokofiev dans sa version originale qui nous replonge dans la Russie éternelle, la main sur le cœur… Enfin pour la première fois au disque, la sonate de Chebaline, le moins connu des trois, grand pédagogue qui sait, tel un caméléon, s’approprier le style de ses illustres contemporains et s’affranchir des contraintes prolétariennes pour sublimer la musique pure. En bref, l’engagement et la complicité de Marina Tarasova et de Ivan Sokolov sont exemplaires : bouillonnement des lignes, rythmique affûtée, éloquence celliste et frénésie pianistique qui font de ce disque un incontournable ! (Florestan de Marucaverde) For many years, Marina Tarasova has been one of the most renowned Russian cellists; a winner of international competitions in Prague, Florence and Paris and a laureate of the International Tchaikovsky Competition in Moscow. Marina Tarasova: These three brilliant compositions, rarely recorded, were all dedicated to Mstislav Rostropovich. Kabalevsky´s sonata is the composer's revelation and one of the best compositions in 20th Century cello repertoire. The depth of its philosophical thought is an invitation to meditate. Prokofiev's Concertino is the most beautiful example of a rare combination in him of lyricism and Russian ‘soil’. In Shebalin's sonata we experience program music: images of old Moscow, peal of church bells, dances of buffoons. According to me, the freedom of will which philosophers haven´t found yet lies in the music of such geniuses!
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