 Extravaganza !!!!! C'est le maître mot de toute musique qui traverse le premier « baroque » (ce terme ne désigne-t-il pas une perle irrégulière, et par extension tout élément ou création qui transcende les codes, les règles, qui « extravague », dans un jaillissement spontané incessant de l'inspiration ?). Le public des musiciens baroques, depuis les origines à la Renaissance, attend des interprètes variations et ornements improvisés « extempore », et une présentation toujours neuve d'airs parfois connus de tous, adaptant l'interprétation aux moyens disponibles, à un instrumentarium différent. C'est dans cette esthétique que baignent les broderies sonores succulentes et échevelées que tissent pour notre délectation les deux merveilleux interprètes de ce superbe disque, parcourant aussi bien les créations pour le clavier, souvent déjà très aventureuses, de Picchi, Mayone ou Rossi, celles pour le luth (Falconieri) ou la guitare (Ribayaz), que celles, originellement prévue pour un ensemble instrumental plus étoffé, telles que la canzona à deux choeurs « Lieto Godea » de Giovanni Gabrieli. Les deux instruments à cordes pincées entremêlent leurs sonorités somptueuses et chatoyantes dans des mélodies où la danse n'est jamais loin (Ballo, Gagliarda, Passamezzo, Tarantela), quand ce n'est pas la chanson populaire (« Se l'aura spira », « Le forze d'Ercole », « Qui la dira »), où le but est de surprendre l'auditeur (Consonanze stravaganti, Capriccio, Ligature), dans des « Partite » et autres « diminutions » qui présentent sans cesse la mélodie sous de nouveaux atours. La harpe double (instrument très répandu et apprécié jusqu'à l'invention de la harpe à simple mouvement en 1720) de Sara Agueda et le clavecin de Javier Nunez s'entrelacent dans une complicité symbiotique, se réservant en alternance des moments de contemplation poétique ou d'alacrité endiablée avant de repartir dans de nouvelles aventures complices... un régal. (Jean-Michel Babin-Goasdoué)

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