Haydn Schubert Chostakovitch Concerto et sonates pour violoncelle Shafran Järvi

Voici un CD qui n’a pas usurpé son titre. Le violoncelliste Daniil Borisovitch Shafran, né à Petrograd (ex St Petersbourg) en 1923, mort à Moscou en 1997, était entré de son vivant dans la légende, celle d’un contemporain de Mstislav Rostropovitch (1927-2007), avec qui il remporta ex-aequo le concours de Prague en 1950, un contemporain dont Shafran fut l’exact et génial contraire. Fuyant le vedettariat, la recherche de la célébrité médiatique, Daniil Shafran laisse malheureusement un héritage discographique bien trop maigre en regard de l’immensité de son talent et du rayonnement immarcescible de son art. Ce disque est à chérir entre tous, tant il illustre ce qui sépare la déclamation péremptoire d’un Rostro de la délicatesse ailée, d’une virtuosité qui se refuse à l’esbroufe, de Daniil Shafran. La souplesse de l’archet, la chaleur d’un vibrato jamais envahissant, la pure beauté de la ligne de chant, on ne sait ce qu’il faut admirer le plus dans ce programme miraculeux. D’abord le second concerto de Haydn, ce noble ré majeur, où le jeune Neeme Järvi, à l’unisson de son soliste, adopte un tempo « moderato » d’une éloquence et d’une fluidité incomparables. On est peut-être loin des canons de l’interprétation « historiquement informée » mais qu’est-ce que c’est beau, Haydn joué comme ça ! Un an avant ce Haydn moscovite de 1962, Daniil Shafran avait été invité à faire ses débuts américains au Carnegie Hall de New York, accompagné par l’excellente pianiste Lydia Pecherskaia : au programme de ce premier récital, la sonate « arpeggione » de Schubert et la sonate de Chostkovitch, datant de 1934 et plusieurs fois remaniée. Le lendemain, Shafran et Pecherskaya enregistraient ce programme dans les studios de la RCA à New York. C’est celui qui nous est restitué dans ce disque. C’est peu de dire que Chostakovitch, et plus encore Schubert, ont trouvé leurs interprètes de référence, c’est dire si ce disque, magnifiquement édité, est une nécessité ! (Jean-Pierre Rousseau)