 La redécouverte vers 1960-1970 de la musique "baroque" a fait réémerger les noms de compositeurs peu connus ayant pourtant contribué à l'essor d'instruments aussi spécifiques que la flûte à bec ou le hautbois. Parmi eux, Schickhardt. Originaire de Brunswick, il reçut là sa formation, sans vraiment entrer, tel la plupart des compositeurs d'alors, au service d'une cour ou d' institutions musicales de renom, préférant voyager — surtout en Europe du Nord. Une biographie faite de trous : associé un temps à Frédéric 1er de Suède, censé avoir séjourné aux Pays-Bas auprès de proches de la maison d' Orange-Nassau, puis, entre 1740 et sa mort, à l'université de Leyde où l'on parla de lui comme "maître des arts musicaux", "membre de l'Académie", sans qu'une quelconque preuve de son activité dans cette ville n'ait jamais été découverte. Il aurait aussi appartenu à l'orchestre de l'Opéra de Hambourg, se serait épisodiquement produit à la cour d'Anhalt-Köthen lorsque s'y trouvait Bach... C'est en fait aux fameux éditeurs de musique Roger et Le Cène, Français installés à Amsterdam, qu'il doit sa notoriété. Ils publièrent de lui une trentaine de recueils de plus de 6, 7 ou 12 sonates avec b.c. pour flûte(s) à bec et hautbois, un "alphabet de la musique" comptant 24 sonates (une par tonalité), divers concertos, des transcriptions... Certaines pièces ont été réimprimées au XXe siècle, d'autres sont restées manuscrites. Le présent opus 22 date de 1718. Sa trame est à la fois serrée, dense et d'une prodigieuse richesse de coloris. Dans une structure encore marquée par Corelli, Schickhardt incorpore des éléments de danse empruntés au style français (mouvements des 1ère, 3ème, 5ème et 6ème sonates), où, sous la volubilité des flûtes s'affichent avec une belle verdeur les scansions harmoniques et rythmiques du hautbois. Belle expression de mélancolie dans la sonate n° 2. Un art consommé de l'imbrication et du tendre enchevêtrement des souffles dans la 3e, où le cantabile est, dans sa ténuité, un miracle de poésie. Les formes les plus variées d'un dialogue en imitations se déploient dans la 4e tandis que la 5e offre la parfaite illustration de ce que peuvent la combinaison et la succession des contrastes entre et à l'intérieur des mouvements, comme aussi entre les instruments. Dans la 6e se développe une paisible réthorique de l'emboîtement : dans un récit musical s'en constitue , comme en abyme, une autre en réduction — qui pourtant le poursuit, le remodèle, le reprend sans vraiment le reprendre .Tout un art du discours musical est là, admirablement construit mais comme allant de soi. (Bertrand Abraham) Johann Christian Schickhardt was three years older than Johann Sebastian Bach, survived him by more than a decade and travelled all over – in contrast to his contemporary. Whether the fact that his surviving creations are characterised by wonderful suppleness and beauty of sound was due to his love of travel would be worth investigating. Indeed, his works were not only highly regarded by his high-class dedicatees. Schickhardt mastered the international vocabulary of the baroque, whose elements he combined easily to create works to "entertain the spirit" that have survived for centuries. And thanks to the excellent Ensemble Epoca Barocca, the old prejudice that two recorders are "worse" than one loses its very last fundament.
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