 Impossible de ne pas s’en apercevoir. Kurt Sanderling et Peter Rösel, entrant dans la Christuskirche en 1978 pour enregistrer le Troisième Concerto, prélude à ce qui allait devenir une intégrale de l’œuvre pour piano et orchestre de l’auteur des Cloches, avaient dans l’oreille l’enregistrement du compositeur, mêmes tempos, même phrasés, même équilibre entre l’orchestre et le clavier (et dans le jeu d’orchestre, des accents, des alliages qui rappellent, de Berlin pourtant , la poétique si spécifique des philadelphiens). La rencontre entre la légende vivante qu’était dans le Berlin sous férule soviétique Kurt Sanderling, soixante-six ans, et le jeune Peter Rösel, trente-cinq ans, aura marqué la discographie du cycle, même si en occident on tarda à la connaitre. Kurt Sanderling débarrassa les trois premiers concertos de tout un certain faux pathos russe Peter Rösel jouant classique, mesuré, jusque dans un Deuxième Concerto, que même Sviatoslav Richter, dans son légendaire enregistrement polonais pour Deutsche Grammophon, parait d’un peu trop d’espressivo. Feux d’artifice (mais contrôlé), le final du Premier Concerto, alors que durant tout le Troisième la réserve du pianiste masque les trésors d’une poésie rapsode qui ne se révélera qu’après moult écoutes. Paradoxalement, ce sont les deux œuvres « américaines », le Quatrième Concerto, si subtilement conduit jusque dans ses furias, la Rapsodie sur un thème de Paganini persifleuse, éloquente, qui implosent le discours, fabuleuses versions où le relatif modernisme de ces deux opus transparait plus qu’en aucune autre version. La rencontre aura produit son lot d’étincelles qu’avive encore un nouveau remastering qui redonne de la présence au magnifique orchestre, si tenu, si senti d’un Kurt Sanderling sachant qu’il œuvrait d’abord pour la gloire du compositeur en sauvant ces cinq opus si souvent dévoyés par les virtuoses. Il avait trouvé son alter ego pianistique, les Concertos de Brahms furent programmés, mais jamais réalisés, et le songe caressé d’enregistrer ceux de Prokofiev resté chimère, mais leur Rachmaninov demeure au firmament de la discographie. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)

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