 C'est du Josquin, mais ça ne sonne pas comme du Josquin. A tel point que les musicologues ont longtemps refusé d'attribuer au "prince des musiciens" cette Missa "Mater Patris", et qu'elle est rarement enregistrée. Et l'Ensemble Jerycho, avec son chef Bartosz Izbicki, ne font rien pour arranger les choses. Les tempos très lents, les voix sombres, âpres, nasillardes, à la limite de la raucité ; les modulations, les harmonies audacieuses, le recours au bourdon accentuent l'étrangeté de cette musique, son "orientalité", mais surtout sa puissante expressivité émotionnelle. Et pourtant, chaque mesure est bien de Josquin, nous assure le musicologue polonais Krzysztof Borek, qui a remanié l'oeuvre, à tel point qu'il a jugé bon de la rebaptiser Missa "Mater Matris", en en retranchant quelques morceaux. Que l'on se rassure, l'album nous les restitue, avec quelques bonus, dont le motet "Mater patris et filius" d'Antoine Brumel dont la messe de Josquin est une parodie et un hommage à son collègue et ami récemment disparu. La publication de cette messe date de 1514. Bâtie sur le motet à trois voix d'Antoine Brumel, elle sonne peut-être comme l'oeuvre la plus étrange de sa génération. Son écriture fait principalement alterner des sections en duos écrites de manière bizarre avec des accords parfaits homogènes, souvent en mouvements parallèles. La partition n'a dû arriver à la cathédrale de Wawel, à Cracovie, qu'après la mort de son compositeur ; elle y a été recopiée à l'usage des chanteurs. Il y a, dans cette adaptation – exécution, un côté expérimental. On aime ou on n'aime pas. Ici, on aime. (Marc Galand)  The Ensemble Jerycho’s newest album is dedicated to the oeuvre of one of the most famous composers of the Renaissance era, Josquin des Prés, in reference to the 500th anniversary of his death, which took place in 2021. The album includes his Missa “Mater Patris”, which already in the 16th century was arranged by a Pole – Krzysztof Borek – for the needs of the College of Rorantists from Cracow and which received a new name – “Mater Matris”. Supplemented by additional voices, it enriched the collections used during solemn masses, graced by a four-part collegiate choir. Compared to other compositions by des Prés, the musical language of the work can be considered anachronistic, since the composer reached for old techniques, including in the field of voice leading. The Ensemble Jerycho presents the music of the Renaissance master in a dynamic way, full of colours, restoring the sound of the piece in the original notation, hence the extension of Borek’s version with the movements that he had left out. The whole is complemented by other vocal works by des Prés, as well as by a motet by Antoine Brumel, which musically inspired the Mass.

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