Plus encore que la Liturgie de Saint Jean Chrysostome, les Vêpres écrites au seuil de la Grande Guerre (Rachmaninoff y mettra le point final en février 1915) ont conquis les chœurs hors de Russie. Leur réévaluation après la deuxième guerre mondiale en URSS même entraina un regain d’intérêt chez les formations chorales des pays de l’Est, et assez tôt on pu les entendre à Dresde, Berlin ou Leipzig, sans mentionner la Bulgarie où le culte orthodoxe les avait conservé vivantes alors même que Leningrad et Moscou les avaient oubliées. Une fois le mur de Berlin tombé et l’URSS enfin effondré, les pays baltes s’approprièrent ce requiem mystique qui ne veut pas dire son nom. En décembre 2016, Risto Joost qui s’était jusque là illustré dans la fosse de l’opéra de Tallinn gravait avec le chœur de la MDR de Leipzig une version orante, claire, d’une fluidité surnaturelle dans la longueur des phrases et la tendresse des harmonies, hélas passée un rien inaperçue. Injustice !, la prière est ardente mais sereine, les polyphonies spirituelles et voluptueuses à la fois, proclamant un culte chamarré par l’or des icones. La précision des intonations, l’absence de vibrato jusque dans le chant d’un magnifique ténor (Falk Hoffmann), le lyrisme contenu d’une alto qui clairement a entendu ce qu’y faisait Irina Arkhipova (Klaudia Zeiner), le contrôle fanatique des dynamiques aura donné un nouveau visage à ces Vêpres, les faisant tendre vers une certaine abstraction intemporelle. La leçon aura été entendue depuis par tout les ensembles choraux qui se seront risqués au disque ici, il fallait rendre justice à cette gravure en ce sens pionnière qui, hélas, oublie de nommer la saisissante basse ouvrant cette liturgie de lumière. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé) De ces Vêpres op. 37 (ou Vigiles Nocturnes) qui font partie des œuvres chorales russes les plus enregistrées, les ensembles occidentaux et leurs homologues de l’Est semblent avoir développé des conceptions assez différentes. Quelle est la part de la tradition musicale, de la familiarité avec la langue, de la culture liturgique ? N’étant ni russophone ni orthodoxe, je ne peux en juger. Mais j’identifie presque à coup sûr les interprétations slaves au tempo rapide et à l’accentuation marquée de l’entame du chant de la Résurrection (« Blagosloven esi, Gospodi »). Ici pas de doute, je retrouve la tradition occidentale : lenteur majestueuse, accents gommés et timbres fondus m’évoquent plus un parfum d’Europe du Nord que de l’Est. Le chœur penserait-il encore à son récent Reger, encensé et récompensé, ou à Grieg ? En tout cas, si on accepte de regarder l’œuvre sous cet éclairage on ne sera pas déçu : le chef semble vouloir insister sur le caractère monumental de l’œuvre et le chœur lui répond magnifiquement, dans une prise de son assez naturelle quoiqu’un peu lointaine et réverbérée. Peut-être pas un premier choix pour découvrir l’œuvre, mais un très beau moment de chant. (Olivier Eterradossi) Sergei Rachmaninoff was a gifted composer not only for his own instrument, the piano, as is abundantly clear in this new GENUIN release featuring Leipzig’s MDR Chorus. The elite choir is already presenting its second recording of Rachmaninoff’s “Great Evening and Morning Praise” to replace their award-winning 2002 version. Choir director Risto Joost himself engaged several Latvian basses for the project, whose exceptionally dark timbre wonderfully enhances the warm and breathtakingly beautiful sound of the choir. A magnificent recording of a magnificent work!
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