 Dans la seconde moitié du XVIIème siècle, l'air de cour évolue vers l'air sérieux, et adopte la basse continue comme accompagnement. Ces airs prennent la forme binaire avec reprise, AAB ou AABB, à laquelle s'ajoute parfois une construction strophique, les différents couplets reprenant la mélodie du premier. Ils se trouvent chez eux dans la « chambre bleue » de l'Hotel de Rambouillet où la belle Julie d'Angennes prend alors le relai de sa mère, Catherine de Vivonne : Les morceaux de cet album traitent d'amour, de regret et de déception, d'où leur tonalité « bleue ». Un des maîtres du genre, Michel Lambert (1610-1696), collaborateur et beau-père de Lully, est ici représenté par le célèbre mais toujours aussi émouvant « Ombre de mon amant ». Sebastien Le Camus (1610-1677) servit le régent Gaston d'Orléans et la nouvelle reine avant de devenir le joueur de viole préféré de Louis XIV. C'est à lui que l'on doit ces quatre airs charmants, comme « Laissez durer la nuit ». Les airs de Marc-Antoine Charpentier (1643-1704) s'inscrivent naturellement dans cette tradition vocale française où la concision et la simplicité n'excluent pas l'expressivité et l'expansion ornementale. La plupart de ses partitions recourent au registre galant de l'air sérieux, comme « Celle qui fait mon tourment » ou « Ah, laissez-moi rêver ». Quant à son « Tristes déserts », il semble sorti tout droit d'une tragédie lyrique, genre dans lequel Charpentier s'est illustré : Portée par un souffle dramatique intense, cette plainte déchirante de l'amant délaissé s'élance vers le ciel, s'affaisse, puis se brise sur le silence. La jeune soprano belge Deborah Cachet, voix claire et légère, timbre chaleureux et pur, ligne de chant nuancée et élégante, diction impeccable, nous cisèle de précieux bijoux, joliment enchâssés dans l'écrin du théorbe de sa compatriote Sofie Vanden Eyden, qui, avec son jeu tendre et délicat nous régale par surcroît d'airs instrumentaux de Robert de Visée (1655?-1732?), guitariste et théorbiste dont Louis XIV ne pouvait plus se séparer. Un album plaisir royal ! (Marc Galand)

|