 Le compositeur des "Soldats", du "Requiem pour un jeune poète", vraiment ? A coté de l’édification d’une œuvre dont la radicalité allait en s’augmentant, Bernd Alois Zimmermann composa pour les formations de la Radio de Cologne, mi par souci alimentaire, mi pour se délasser, pas moins de 130 arrangements d’œuvres d’autres compositeurs, et une centaine d’opus coulées de sa plume pour autant de créations radiophoniques liés à des pièces de théâtres ou pour d’autres objets d’illustration sonore. L’occasion de raffiner sa maitrise des ensembles instrumentaux comme du grand orchestre, et d’avouer deux tropismes. Le premier pour une Amérique du sud un peu mythifiée – l’engagement politique de l’auteur n’y est pas étranger – qui le voit réécrire avec finesse quelques pages brésiliennes de Milhaud ou de Villa-Lobos, voir de son cru, toujours inspiré par le Sertao, un ballet plein d’effets stupéfiants, "Alagona". Le second pour une veine française qui souligne à quel point son orchestre est redevable à Debussy, à Roussel, au Groupe des Six, à Ravel surtout (dont il parodie tendrement le "Boléro"), ce qu’illustrent les décors dont il habille trois "Bergerettes", mais surtout son magique "Un petit rien", sept Haïku pour un mince ensemble instrumental où le célesta met sa touche d’irréalité. Quel raffinement pour cette "Musique légère, lunaire, et ornithologique d’après Les oiseaux de lune de Marcel Aymé" ! Heinz Holliger aura effectué une sélection éclairante, tirant d’un même geste les deux fils d’Ariane, celui des arrangements qui exposent la fantaisie parfois délurée, l’inventivité poétique, la stupéfiante quantité d’idées (écoutez "Die drei Zigeuner" de Liszt !), et celui des compositions originales où se dessine la première phase de son génie créatif, de la suractivité rythmique des ballets au saisissant précipité de la Sinfonie in einen Satz, enregistrée ici dans sa version révisée. IL dresse dans ce brillant ensemble le portrait de Zimmermann en jeune-homme, avant qu’il ne radicalise sa syntaxe la trentaine passée. Coté transcriptions et arrangements quantités d’autres petits trésors espèrent qu’Heinz Holliger et son orchestre de Cologne ne les laisseront pas dormir dans la partothèques de la WDR. Vite, la suite ! (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé) Un coffret savoureux ! Déjà par la prise de son rutilante pour des orchestrations exubérantes d’œuvres réorchestrée, presque malaxées et dont presque tous les arrangements sont des premières mondiales au disque. Le compositeur de l’opéra "Die Soldaten" fut un prodigieux orchestrateur, un illusionniste, faisant croire qu’il était tantôt russe, tantôt brésilien, tantôt italien ou français… Il est vrai que le sous-titre du coffret est admirablement trouvé : "Entre polka et apocalypse". Le musicien allemand qui se suicida à l’âge de 52 ans fut formé dans l’avant-garde de Darmstadt. Il gagna sa vie en réalisant des arrangements dans tous les styles, ce qui lui donna une connaissance prodigieuse de l’orchestre. La luxuriance de ses partitions qui invitent véritablement à l’aventure puisent dans un réservoir sans fond des musiques les plus diverses. Il peut ainsi s’intéresser aux musiques exotiques, aux musiques légères, à une mélodie romantique, à une chanson enfantine, à quelque réminiscence d’écriture sérielle. Peu importe. Ce que traduisent les interprètes, l’Orchestre de la SWR, mais aussi la soprano Sarah Wegener, le saxophoniste Marcus Weiss et le pianiste Ueli Wiget, c’est l’incroyable fantaisie de cette écriture. L’humour n’est jamais absent, le spectaculaire côtoyant le drame, une polka de Smetana se heurtant au Blues d’un Edmund Nick, au souvenir d’un ballet imaginaire de Zimmermann dans le style du Pulcinella de Stravinski. Une fois encore, l’orchestre se métamorphose dans des œuvres qui semblent dissimuler la profonde intégrité artistique d’un compositeur trop tôt disparu. (Jean Dandrésy) Bernd Alois Zimmermann (1918–1970) was one of the most distinctive composers in the musical avant-garde after the Second World War. While Karlheinz Stockhausen served as a kind of ‘generator’ in Cologne during the 1950s and 60s, inventing completely new sounds and techniques, Zimmermann was in many ways his opposite, a ‘transformer’ who redefined previously existing material by placing it in new contexts and collage-like structures, anticipating the ideas of the Postmodernists. Zimmermann created these new contexts on many levels. Especially in his younger years, he arranged and orchestrated songs and piano pieces using brash and daring instrumental colors. These arrangements then found their way into his works that are now recognized as modern masterpieces: “Alagoana”, “Konzert”, “Sinfonie in einem Satz”, “Stille und Umkehr”, etc. His self-composed works employing numerous quotations as well as his arrangements ‘recomposing’ previously existing music are juxtaposed in the excellent recordings presented by WERGO in this collection. It contains more than three hours of music as well as an extensive booklet with a wealth of information and an interview with Heinz Holliger, the guiding spirit behind this production. Holliger conducted all of the recordings and has worked for years to ensure that Zimmermann’s long-forgotten arrangements were rescued, published, performed, and recorded. The performances and recordings took place as part of the celebrations organized by the WDR in Cologne in honor of Zimmermann’s 100th birthday. This new release from WERGO presents a fresh perspective on the composer Bernd Alois Zimmermann, whose tragic suicide shortly after the completion of “Stille und Umkehr” shocked the musical world. His fascinating instrumental effects and his embrace of popular and traditional music make his works feel much more at home in our contemporary world than they did in the cultural atmosphere of his time, with its faith with technology and progress.
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