Sur le papier tout s’annonçait passionnant ; toujours dans le pur écrin graphique du label Challenge Classics, les cantates profanes et pour basse du vénitien Benedetto Marcello (1686-1739) qui n’eut pas les honneurs du « vu à la télé » d’un concerto pour hautbois du grand frère Alessandro, ni le retentissement jusqu’à nous de la génération 1680 - Rameau, Bach, Scarlatti, Haendel-… Ainsi dans les salons pré-baroques de quelques palais de la sérénissime laissons nous conter les affres de l’Amour. Las, cinq fois hélas, les salons sont ternes, feutrés et laisse une jolie voix de basse comme étouffée, ne pouvant se déployer pour nous séduire, juste dans les graves et qui plafonne dans les aigus, le tout dans une nuance uniforme mezzo-forte et un continuo qui porte bien son nom, continu, donc qui ne bronche pas ! Mais où est parti Amour dans cette succession ininterrompue de récitatifs et d’arias da capo, où les da capo sont si peu ornés ? On croirait entendre une prise de son et une interprétation des années 50… Je sais la mode est au vintage ! Quand même ! Quand on pense toute l’énergie déployée pour réaliser un disque, en recherches musicologiques, en travaux et répétitions d’ensemble, en montage de production et même parfois en investissement financier personnel, on se demande bien, pour la basse Sergio Foresti, en plagiant un célèbre auteur à la mode : « Que diable allait-il faire dans cette galère ? » (Florestan de Marucaverde) Benedetto Marcello était incapable de s’extraire de son génie, comme de ne pas céder à ses tropismes. La cantate à fond mythologique ou morale, genre si prisé à Venise, n’aurait pu l’éviter qu’elle l’aurait voulu. De toute façon l’amour en est l’objet, ses tourments le sujet, un violoncelle, un luth, un clavecin suffiront, et là où devrait chanter quelques voix glorieuses échappées des théâtres vénitiens, Marcello leur préférera la voix de basse, si malhabile pour séduire le public des salons (où les cantates se faisaient entendre). Sergio Foresti a bien compris l’enjeu, qui est à peine de chanter mais surtout de dire. La voix de basse, c’est la voix de Saul ou celle du Cyclope, c’est tout un imaginaire à rebours des galanteries arcadiennes, objet l’amour, sujet l’âme, au long des cinq cantates, il empoigne les textes, fait sourdre les tourments, force l’admiration dans le maigre alliage qui l’accompagne, magnifiant le génie de ce compositeur juif qui aura toisé la Venise patricienne, lui imposant son art si peu enclin à se plier aux canons du temps. Et si demain sa basse agile allait visiter, portée par un ensemble plus soutenu, les Psaumes ardents que Marcello a écrit pour son registre, en commençant par le redoutable Psaume XLII ? (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé) In the Italian society of the early eighteenth century, the musical genre of the chamber cantata was popular as a refined form of entertainment. The chamber cantata is a relatively short composition, consisting of a couple of arias with the addition of one or two recitatives. They were performed in the private ambiances of the noble circles. A performance just needed the instruments of the basso continuo (harpsichord, cello, and if wanted for example a lute) and of course an excellent voice. The Venetian composer Benedetto Marcello (1686-1737) was one of the most prolific composers of the genre, especially in his early years between 1710 and 1720. He wrote approximately 300 cantatas of which over 20 for the bass voice. This is an exceptionally high number. The composer strived to achieve a perfect harmony between poetry and music. As such, his cantatas were an invaluable laboratory for his famous Psalms. These were admired by great composers like Rossini, Bizet, Verdi, and Chopin. Verdi especially appreciated Marcello's recitatives. The present recording offers five chamber cantatas of Marcello for the bass voice. All the cantatas of this recording are in RARA form (Recitative-Aria-Recitative-Aria) and the arias regularly have the da capo form. The recitatives are often unpredictable in their harmonic solutions. Like most of Marcello's cantatas, they treat the subject of love. But the lovers are not happy. They struggle with the all too human complexity of love: feelings of rejection, sadness, jealousy, hope, and mourning. Their thoughts and feelings are intended to stimulate personal reflection. For Sergio Foresti and his colleagues it was a great joy to explore this music together with its complex feelings and nuances. In the spirit of Benedetto Marcello they seek to express the words and meaning of the text in these virtuosic and beautiful compositions.
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