Johann Sebastian Bach (1685-1750)
L'Art de la fugue, BWV 1080

Andrzej Slazak, piano

Somme de science contrapuntique, l''Art de la Fugue' tire sa cohérence rigoureuse de la tonalité de ré mineur et d'un thème principal unique de quatre mesures dont nous sommes conviés à suivre les métamorphoses. Le dernier contrapunctus fait seul exception à cette unité thématique, il se brise de la manière la plus abrupte sur le motif de quatre notes du nom de Bach au point de paraître à la lettre musicalement inachevé; mais ne l'est-il pas dans l'esprit, concluant l'oeuvre par la signature du compositeur et ouvrant en quelque sorte sur l'infini? Quand l'on sait que Bach survécut plusieurs mois qui lui permettaient de terminer le morceau dans les règles, la question mérite d'être posée. L'interprétation de l'oeuvre doit-elle être confiée à un ensemble d'instruments ou réservée au clavier? La musicologie penche pour la deuxième option, mais qu'importe à une époque où les transcriptions étaient courantes? Une instrumentation variée rend la partition moins austère, un unique clavier concentre son essence et ses subtilités. Seul le résultat compte et Andrzej Slazak nous guide avec maîtrise dans ce labyrinthe en pianiste qui joue le jeu de son instrument sans s'efforcer de retrouver les sonorités étiques du clavecin; il ouvre ce faisant cette musique sur l'avenir, à l'instar de l'ultime contrapunctus 'inachevé', nous faisant par exemple pressentir quelque chose des futurs 'Préludes et fugues' de Chostakovitch (Michel Lorentz-Alibert)