 Dans le développement de l’Allegro moderato qui ouvre la 6e Sonate, Prokofiev aura écrit ses pages les plus folles pour le clavier, impossible de faire tenir dans la mesure tous les accidents qu’il y comprime, et en plus il faut faire sonner quelques explosions de bombes… Severin von Eckardstein y parvient, serrant tout dans un climat de cauchemar cubiste, avant de faire danser la marche d’opérette de l’Allegretto et d’en distiller l’épisode central avec un peu de poison dans les timbres. Son Prokofiev est maléfique, terrifiant, fascinant, et même la Toccata du Precipitato de la 7e Sonate devient monstrueuse. Partout la virtuosité cruelle de son jeu au moins à vingt doigts saisit l’audition. Comprendre à ce point toutes les ambigüités qui parcourent ces Sonates de guerre, jusqu’à rendre le Tempo di valzer de la 6e ou l’Andante caloroso de la 7e juste méphitiques comme il faut, est une gageure dont il ne fait qu’une bouchée : depuis sa légendaire interprétation du 2e Concerto au Concours Reine Elisabeth, il est chez lui chez Prokofiev. Du reste, il avait déjà enregistré la 8e Sonate (MDG), il la retrouve d’un geste plus apaisé, qui culmine après le vaste voyage harmonique de l’Andante dolce (et vraiment dolce, de timbres, de phrasés) dans un Andante rêvé, ballet immobile où Roméo et Juliette invitent leurs immatériels entrechats. Disque prodigieux, qui aurait pu être mieux enregistré, mais que cela ne vous détourne pas. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)  Prokofiev’s music has always been close to my heart. In his childhood, the Russian composer loved to improvise on the piano, just as I did. His piano style was not as sprawling as, say, that of Rachmaninov, his contemporary. Yet it was all the more flexible, capable of instantly morphing to reflect current events – a style at times fresh and charged with energy, at others suddenly brooding. Prokofiev’s music was stylistically multilayered from the onset, here and there juxtaposing melodies of a Classical bent with irony, self-deprecation, and driving rhythmic impulse. His skillful formal mastery and his unquenchable thirst for drama derived from opera, and always served him as a striking, never-ending source of inspiration. In its impressive cohesion and vitality, Prokofiev’s piano output elaborately intermingles a variety of surprising moments where a touch of human feeling sneaks up on the listener, thereby revealing striking sincerity and profound inner feeling. Far from consisting in episodes of post-Romantic bathos, these are moments of bleak, violent despair. Take, for example, the emotional outbreaks and the instances of sudden, hushed introversion in Prokofiev’s Second Piano Concerto, written prior to the Russian Revolution. (Severin von Eckardstein)

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