 Aux alentours de 1600, les recherches théoriques musicales des « camerate » florentines, comme la Camerata Bardi, aboutissent à abandonner le chant polyphonique et ses contraintes harmoniques au profit du chant soliste, exprimant au plus près les possibilités poétiques du texte, la basse continue étant chargée de fournir les harmoniques soutenant la voix. Caccini, Peri, puis surtout Monteverdi exploiteront les libertés expressives ainsi offertes à la voix. Mais les instrumentistes ne seront pas en reste. Le luth, instrument roi de la Renaissance italienne, ne leur suffira plus. Alessandro Piccinini (Bologne, 1566, Bologne, 1638) et Girolamo Kapsberger (Venise ? 1580? - Rome, 1651), formés dans les mêmes milieux artistiques d'Italie du nord (Mantoue, Ferrare, Venise) que Monteverdi, inventent de nouveaux instruments, comme le théorbe et l'archiluth. Le registre grave est étendu grâce à une extension du manche et à l'ajout d'une seconde cheville servant de point d'attache aux cordes les plus graves, et cinq à sept cordes s'ajoutent à celles du luth classique. Ce qui leur permet de répondre à de nouvelles exigences : Jouer avec les nuances, utiliser des micro-crescendos et diminuendos, dans un jeu ondoyant et expressif aux rythmes étranges et où l'improvisation a toute sa place. La vision linéaire de la mélodie est délaissée au profit d'une alternance incessante entre ombre et lumière, de manière à représenter de façon convaincante les mouvements de l'âme et les passions humaines. Le grand théorbiste et luthiste Luca Pianca donne libre cours dans cet enregistrement à son génie de l'improvisation. Ce CD qui fera date comporte des œuvres, outre celles de Piccinini, de Kapsberger, de Maurizio Cazzati (Bologne, 1616-1678), de Pietro Paolo Melli (actif vers 1600) et une « diminution » par Giovanni Battista Spadi (documenté de 1609 à 1624) du « tube » de Cyprien de Rore « Anchor che co'l partire ». A déguster sans modération. (Marc Galand)  A l'aube du 17ème siècle en Italie s'impose un changement radical des pratiques musicales. L'abandon de la stricte polyphonie pour une approche poétique et dramatique qui forgera le mélodrame et l'opéra, illustré notamment par Claudio Monteverdi. Dévolus à cette nouvelle forme d'expression vont naître l'Archiluth et le Théorbe instruments surdimensionnés. Le Théoricien Marin Mersenne recommande aux interprètes dans son Harmonie Universelle publié en 1636, un jeu doux et fort, « ondoyant » capable de restituer une agogique fluctuante et des nuances contrastées correspondant à l'art du clair-obscur cher aux peintres de l'époque. Le luthiste et théorbiste Luca Pianca a choisi pour cet « art de la résonance » les compositeurs attendus Piccinini, Kapsberger ou Cazzati et les formes représentatives de ce répertoire, rhapsodiques le plus souvent : Toccatas, Gaillardes, Arias et Balleto. Respectueux de cette nova pratica, il sacrifie le métronome pour restituer ce jeu extemporané, enrichi d'une palette de couleurs avivée et de subtils déhanchements dynamiques. Quelques inédits viennent épicer ce magnifique programme : Pietro Paolo Raimondo (Toccata et Fugue), Melli (Capriccio cromatico et Gaillardes) et De Rore / Spadi (Langoureux Anchor che col partire). N'hésitant pas à s'émanciper des partitions, Luca Pianca sait ce que prise de risque veut dire. (Jérôme Angouillant)

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