 Mais jusqu’où iront donc Claudio Ronco et Emanuela Vozza dans leur entreprise de découverte et renaissance du répertoire pour violoncelle et basse continue ? Bischoff (1747-1800), Spourni (1700-1754), Salvatore Lanzetti (1710-1780), Janson (1742-1803), Duport (1749-1819), plusieurs compositeurs anglais du XVIIIe siècle ont déjà été sortis par eux de l’oubli. Aujourd’hui, à ces noms s’ajoutent ceux de compositeurs du romantisme précoce ayant composé originellement ou par adaptation pour cette formation typiquement classique. Ignaz Joseph Pleyel (1757-1831) est représenté par trois Sonates en deux mouvements dont les accents surprenants, requérant des interprètes une solide virtuosité, sont caractéristiques de l’esthétique Sturm und Drang. François Cupis de Camargo, Seigneur de Renoussard (1732-1808), compositeur et pédagogue, est représenté par un Duo en Ut majeur de 1773, composé d’un gracieux Andantino suivi d’un fébrile Presto. Frère de la plus célèbre danseuse française du XVIIIe siècle, La Camargo immortalisée par un tableau de Lancret et un Madrigal de Voltaire, Cupis s’inspire manifestement des airs de danse vifs affectionnés par sa soeur. Domenico Lanzetti (1730-1774), neveu du prestigieux Salvatore, est rappelé ici par une Sonate en Si bémol majeur de 1771 qui se signale par un Adagio piano assai central particulièrement représentatif de cette esthétique que Schlegel définissait en 1797, dans l’Athenæum comme la rencontre du plaisant et du sublime. Enfin Jean Balthasar Tricklir (1750-1813), né Dijonnais comme précédemment Rameau (1683-1764), mais de famille allemande, exporta rapidement son talent de violoncelliste à la cour de Mannheim comme l’exposent les deux Sonates en Ut majeur (1783) et Si bémol majeur (1785) interprétées ici dans un style précurseur du romantisme mettant en valeur la manière dont les thèmes en tonalités majeurs sont subitement retournés en tonalités mineures. Comme à leur habitude, Claudio Ronco et Emanuela Vozza jouent avec fougue et subtilité quatre instruments d’époque, à cordes de boyaux, parfaitement enregistrés en 2017 et 2018, qui restituent tout le charme et l’intérêt bien plus que musicologique de ces compositions oubliées. (Jacques-Philippe Saint-Gerand)  This selection of chamber compositions for the cello aims to reveal the gradual birth of the romantic idea of music in the middle of the historical period called Classicism. Although still partially formulated on the late eighteenthcentury model, these works go beyond the usual aesthetic formulas of their time, showing the restlessness and curiosity for the new horizons that revolutionary thought had opened to the eyes of the European minds, in the footsteps of “sentiment” and above all of a new mythology which, as Friedrich von Schlegel wrote: “must be formed by the extreme depth of the spirit ”.
|