Katski Dobrzynski Krogulski Musique de chambre Wojciechowski Sumlinska Piatkowska-Nawicka Kulakowski

S’il est des pages de musique de chambre méconnues, voilà un enregistrement qui mérite d’être signalé pour l’important apport qu’il constitue à la connaissance de la musique romantique polonaise dont l’histoire n’a guère retenu que les noms de Chopin et éventuellement Nowakowski ou Moniuszko. Karol Katski, par exemple, alias Charles de Konstski (1813-1867) après son exil parisien, fut un violoniste admiré mais un compositeur rapidement tombé en désuétude et pourtant le Grand Trio en Ré majeur op. 30 mérite mieux que cet oubli. Ingénieusement composé autour d’un mouvement central aux variations imaginatives, il présente un Allegro con moto initial empreint de nostalgie et d’un sentiment introspectif particulièrement poétique tandis que le final Allegretto se pare d’harmonies et de rythmes mendelssohniens. Le Duo en la bémol majeur pour clarinette et piano op. 47 de Dobrzynski (1807-1867), condisciple et ami de Chopin, a tout pour s’inscrire au programme des clarinettistes d’aujourd’hui, virtuosité weberienne, contrastes harmoniques du premier mouvement Agitato, déploration douloureuse en forme de quasi marche funèbre dans le second mouvement Adagio doloroso e molto espressivo, tandis que le final Allegretto mosso e animato, selon une architecture mettant à égalité la clarinette et le piano, renoue avec la virtuosité première et une humeur joyeuse en total et parfait contraste avec le mouvement précédent. Enfin le Quatuor avec piano en Ré majeur op. 2 de Krogulski (1815-1842) nous fait découvrir une œuvre de jeunesse d’une maturité déjà étonnante par la fermeté de sa construction. L’Allegro initial dévolue à chaque instrument à cordes un rôle harmonique spécifique que le piano soutient et développe par un ensemble de tensions fluctuantes. Le second mouvement, Romanza, prend des allures de ballade, suivi d’un Scherzo joueur. Un séduisant Finale Tempo à la Cracovienna parachève une œuvre brillante qui pourrait parfaitement figurer en compagnie d’œuvres de Mendelssohn ou de Brahms à la configuration similaire. L’ensemble des interprètes réunis pour l’occasion est au-dessus de tous éloges pour leur finesse, leur virtuosité et leur engagement à promouvoir ces pages peu connues. Mention spéciale aux pianos de Dominika Glapiak et Bogna Czerwinska-Szymula ainsi qu’à la clarinette d’Andrzej Wojciechowski. Ajoutons que ce disque constitue aussi un hommage indirect à Józef Elsner (1769-1854) dont tous les compositeurs ici présentés furent disciples. Remarquable. (Jacques-Philippe Saint-Gerand)