Le genre du Sextuor, caractérisé par le singulier dialogue des cordes, où sont doublées les voix du violon, de l’alto et du violoncelle a été pratiqué de l’âge classique à l’âge romantique par des compositeurs aussi différents que Boccherini, Pleyel, Spohr, Mosony, Brahms, Gade, Raff, Dvorák, Eduard Franck ou Anton Rubinstein. Voir Tchaikovski (1840-1893) et Korngold (1897-1957) intégrer ce lignage n’a rien de surprenant en ce que cette formation permet aux compositeurs de conférer une ampleur quasi symphonique à une structure d’ensemble résolument chambriste. Du fait de cette complexité, le Sextuor de Tchaikovski connut une longue et douloureuse gestation (1887-1890), suivie de notables modifications en 1891-92, à Paris. Ébullient, son Allegro con spirito initial débute in medias res comme une influence à peine cachée des indications "rasch und feurig", rapide et fougueux, typiques de Schumann. L’Adagio du second mouvement rappelle l’atmosphère de la Sérénade pour cordes (1880) et laisse s’épanouir la délicate mélodie, éponyme du titre, esquissée à Florence en janvier 1890. Les deux derniers mouvements, Allegretto moderato et Allegro vivace, d’inspiration populaire, culminent en une section fuguée qu’un tempo "più vivace" mène à un terme exalté. En contraste, les quatre amples mouvements du Sextuor de jeunesse (1914-1917) de Korngold exposent sans détour les dons mélodiques du compositeur dans un langage rappelant les influences de Brahms (op. 18 & 36), Reger (op. 118), Mahler (Lieder de 1897) et même de la Symphonie de chambre de Schoenberg (1906), jusqu’à l’apothéose en fanfare du Finale Presto. L’engagement et la ferveur du Nash Ensemble, constamment renouvelé dans sa composition depuis 1964, sont une plus-value essentielle apportée à ces œuvres que magnifie également une prise de son de la plus haute qualité. Une nouvelle perle du label Hyperion. (Jacques-Philippe Saint-Gerand)
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