L'attitude de F. Martin vis-à-vis de cette messe fut assez singulière : composée en 1922 (1926 pour l'Agnus Dei), elle ne fut donnée en public que plus de 40 ans après : «J'estimais qu'une expression personnelle de la croyance religieuse devait rester secrète et cachée de l'opinion publique». Et ce n'est qu'après 1945 que Martin se mit à envisager la possibilité d'exécutions publiques de ses oeuvres « sacrées ». Cette messe est aujourd'hui l'une de ses pages les plus populaires. Très belle réussite que cette version (au moins au même titre que celles d'Ericson et de Grünert) : quelle prouesse que d'obtenir une telle cohésion dans une œuvre qui à partir d'éléments inspirés, en profondeur, par le chant grégorien, est d'une incroyable diversité, d'une fluidité complexe à travers ses méandres, ses tensions et ses « repos ». Où les voix sont agencées avec une prodigieuse subtilité, et qui foisonne de contrastes mélodiques, dynamiques et rythmiques. Plusieurs de ses parties commencent souvent très simplement, et procèdent par agrégations successives mais ici tout rayonne, fait orbe au sens géométrique, l'architecture incorporant de façon presque imperceptible des réminiscences et des éléments stylistiques qui renvoient à diverses "stases " de l'histoire de la musique. Double chœur c'est aussi double foyer. La messe de Villard, création mondiale au disque, conçue presque un siècle plus tard est dans la filiation. Elle paraît plus « horizontale », plus étirée, souvent plus linéaire que celle de Martin, et comporte quant à elle six voix solistes. Si elle crée ça et là des halos sonores raffinés, comme des pelotes pleines d'échos libres et flottants, son architecture globale est moins intéressante; plus sage, plus conventionnelle, surtout aujourd'hui. (Bertrand Abraham) Frank Martin’s Mass for Double Choir a cappella is one of the repertoire’s most widely performed monuments, and Valentin Villard’s Mass for six voices could well follow in its footsteps. Although 90 years separate these two works, there is an evident filiation between Frank Martin and Valentin Villard. Both composers develop their own harmonic language based on contemporary practices, seek lines of great vocality and explore the orchestral dimen¬sion of juxtaposing human voices. Furthermore, both put their writing to the service of an expres¬sion of interiority devoid of affectation, with total sincerity and the same ethical and artistic aim. With this recording of Frank Martin and Valentin Villard’s masses (World Premiere Recording), the Académie vocale de Suisse romande intends to compare two works that present a strong bond of filiation. The ensemble also wishes to value its close relationship with past and present composers from the French-speaking part of Switzerland.
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