 Moderato e cantabile. Stephen Hough prend Schubert au mot et son indication à la lettre : la fluidité du geste, le repli dans les pianissimos, les guirlandes dorées de l’aigu d’un très beau Steinway (et bien capté, David Hinitt donnant de l’espace, profitant de la belle acoustique du Henry Wood Hall) augure d’une Sonate en Sol magique à force de tendresse, d’allusion. C’est que patiemment le pianiste britannique apprivoise son Schubert, ce deuxième opus monographique -troisième si l’on compte le disque à quatre mains avec Paul Lewis- le montrant souverain dans l’art d’évoquer, déployant une lyrique ombreuse, fuyant le pathos lorsque les couleurs mineures paraissent, lui préférant une fièvre un peu beethovénienne. C’est de bout en bout admirable, et d’une fantaisie joueuse jusque dans la plus infime délicatesse d’un Andante très moment musical, dans le caractère d’un Menuetto de grand bal, avant que l’Allegretto ne déploie sa guirlande, brillante et voluptueuse dans un si beau piano, sous ses doigts si poétiques. Vous vous doutez que la petite La majeur avoue avec un tel pianiste tous ses charmes, mais Stephen Hough lui donne une dimension supplémentaire, des teintes nostalgiques, un peu d’intranquilité qui tirent l’oreille. Décidément son Schubert surprend, jusque dans le presque rien du Fragment D769A, idée fulgurante, d’une noirceur saisissante, appelant avec véhémence l’inachèvement. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)  Les treizièmes et dix-huitièmes sonates encadrent le rare fragment d’une autre sonate inachevée. L’inachèvement… est l’un des aspects les plus déroutants et fantastiquement inspirant de l’œuvre de Schubert. Non point que par dilettantisme, le compositeur viennois ait cédé si souvent à d’autres sirènes sonores ! En réalité, sa pensée musicale était si rapide, si productive qu’elle multiplait les possibilités créatives, rendant caduques les premières pages d’une pièce. Ce début de Sonate en mi mineur d’un peu plus d’une minute apparaît aussi "nu" que d’une violence extrême, comme si Schubert n’avait pas eu le temps "d’habiller" la partition. Stephen Hough en restitue toute l’âpreté comme il prend possession de la douceur lancinante de la célèbre Sonate en la majeur. Il n’appuie pas les effets, évite toute expression d’un quelconque mélodrame. Le pianiste si habile dans le répertoire romantique dont il sait épanouir la musique, réussit magnifiquement certaines pages. Ainsi le finale, Allegro de la Sonate brille par une clarté savamment dosée, un rythme tenu et relâché à la fois, une souplesse toute naturelle alors que l’on sent un souffle particulièrement élaboré. Le caractère faussement "salonnard" de la mélodie n’en ressort qu’avec davantage de force. L’immense Sonate en sol majeur qui ouvre l’album est interprétée à la manière d’une "fantaisie", ce qui est d’ailleurs son sous-titre. Stephen Hough en dévoile l’ambiguïté des caractères, mesurant (trop, peut-être) cette dimension de "divertissement", au détriment d’une approche plus creusée vers ce que cette musique révèle de menaces sous-jacentes. Un album qui a le mérite d’une lucidité impressionnante. (Jean Dandrésy)

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