Pédagogue considérable et pianiste discrète, voici Patricia Montero se risquant enfin en Schubert au disque. C’est pourtant alors qu’elle n’avait qu’une vingtaine d’années que son maître Eduardo del Pueyo lui dit à peu près « j’en ai beaucoup parlé avec Arrau : Schubert est un compositeur pour la vieillesse. Pourtant, je sens que toi tu es déjà prête ». Si elle a si longtemps attendu c’est, dit-elle un jour au micro de la RTBF, « parce que ça ne sert à rien d’entrer en studio juste pour faire les notes ». Ahurissante modestie par les temps qui courent ! Résultat : dès le mouvement de sonate D571 (qu’elle complète par une réexposition modulante de son cru mais refuse d’associer à d’autres mouvements isolés) on est plongé dans des teintes crépusculaires et une pulsation dont la mélancolie étreint. Dans les 3 Klavierstücke, cette même nostalgie tendre s’anime de passages fiévreux ou virtuoses mais jamais heurtés : elle se souvient bien que Schubert condamnait dans une lettre célèbre « les pianistes au jeu haché » … Et dans les « Moments musicaux » c’est la diversité harmonique qui vient cette fois colorer le crépuscule. Cette maîtrise des sonorités est reflétée par une captation digne d’éloges (on est chez Pavane). Le témoignage, d’une humilité qui fait par moments presque mal, est à écouter (tentez l’expérience le soir, en tamisant les lumières…) en laissant de côté nos nombreuses références discographiques : un énorme cadeau. (Olivier Eterradossi) Avoir été le contemporain de Beethoven, à qui il vouait une admiration absolue, et être parvenu à développer un langage tout à fait personnel est sans doute un des aspects les plus admirables du génie de Schubert. En associant une sonate et deux recueils de pièces brèves, cet enregistrement rend hommage à deux aspects différents et complémentaires de son oeuvre pianistique. Il aborde des genres considérés jusque-là comme relativement mineurs, tels des pièces brèves pour piano (Impromptus, Moments musicaux et Klavierstücke). Ce qui donne leur spécificité, c’est avant tout leur lyrisme si particulier, qui irradie toute son oeuvre et que l’on associe assez logiquement à sa passion pour le lied. Dans les Six moments musicaux opus 94 (D. 780), on retrouve, dans une grande diversité formelle, toutes les caractéristiques de son style, son talent mélodique inimitable, son extraordinaire originalité harmonique, qui lui fait imaginer les modulations et les enchaînements d’accords les plus inattendus, comme son art de la demi-teinte ou son goût pour les atmosphères crépusculaires… La célébrité des pièces brèves a fait de l’ombre aux sonates et on y trouve maints chefs-d’oeuvre. Leur nombre n’est pas clairement défini, car, malheureusement, plusieurs sont inachevées. C’est le cas de la Sonate en fa dièse mineur D. 571 mais sa valeur intrinsèque est telle que le premier mouvement se suffit largement à lui-même. One of the most remarkable aspects of Schubert’s talent has been, undoubtedly, his capacity to develop his own personal language, being a contemporary with Beethoven’s, for whom he expressed deepest admiration. By combining one sonata and two collections of short pieces for piano, this recording honours two different and complementary aspects of Schubert’s musical production for piano. Moreover, Schubert gave prominence to minor genres at that time, such as short pieces for piano (Impromptus, Moments musicaux and Klavierstücke). The specific character of these short pieces is given by their lyricism, which can be found everywhere in his production and is associated, of course, with his passion for the lied. In the Six moments musicaux opus 94 (D. 780) we find a large formal diversity, all Schubert-style features, his unique melodic talent, his extraordinary and original harmony with unexpected chords and modulations, such as his ability to create his own tonal colours and his preference for twilight atmospheres… The celebrity of Schubert’s short pieces has overshadowed his sonatas and we can find indeed several masterpieces. The number of sonatas composed by Schubert has been very difficult to determine because many of them were unfortunately unfinished. This is the case of the Sonata in F-sharp minor D. 571 which is so valuable that nothing else is needed.
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