 C’est en 1942 qu’Hugo Distler, à trente-quatre ans, mit fin à ses jours, dans un contexte rongé par le national-socialisme. Un destin abrégé mais une carrière déjà honorée par ses emplois de directeur des Musikhochschule de Stuttgart, puis de Berlin. Son œuvre relève essentiellement du répertoire sacré. Outre des pages chorales dédiées à la liturgie, on lui doit plusieurs recueils d’orgue, eux-aussi principalement à vocation religieuse. Fin connaisseur de la tradition baroque septentrionale, ce représentant du mouvement néoclassique de l’Orgelbewegung témoigne d’un contrepoint épuré, d’une polyphonie transparente, mais aussi d’une invention rythmique et d’un raffinement harmonique qui le situent entre l’hommage aux maîtres du passé et les recherches de son époque. Titulaire de la vénérable tribune de la Jacobikirche de Lübeck, c’est selon cette console qu’il registra les Kleine Orgelchoralbearbeitungen, dont une série de Partitas sur de célèbres mélodies du culte luthérien. De format manualiter, les brèves et loquaces Spielstücke cultivent les structures anciennes (toccata, ricercar, chaconne…). Le double-album explore exhaustivement ce corpus pour tuyaux, abordé sur trois instruments du facteur Paul Ott, lié à ce compositeur pour lequel il construisit un petit orgue de chambre en 1935, et un autre en 1955 pour Arno Schönstedt (1913-2002), l’interprète de ce programme. Trois orgues aux dimensions idoines sont sollicités par ces enregistrements de 1978, que rééditait le label Cantate en 1995 : ceux de l’Alt-reformierte Kirche de Campen (9/I), de la Christuskirche de Recklinghausen (42/II+pédalier), et de la cathédrale d’Herford (21/II+pédalier) que Schönstedt tenait depuis trente ans. Clarté de l’articulation, franche projection, sobre ferveur : les ingrédients stylistiques réclamés par ces pièces décantées s’incarnent ici dans des captations sonores particulièrement flagrantes. Au sein d’une discographie trop ténue, ces témoignages désormais historiques à maints égards restent un modèle que les postérieures intégrales gravées par Armin Schoof (Thorofon), John Brock (Calcante) et Johannes Hämmerle (Ambiente) n’ont en rien démodé. (Christophe Steyne)  L’œuvre pour orgue de Distler est le témoignage d’un renouveau de la « liturgie musicale » en Allemagne, qui avait commencé à la toute fin des années 1920. Elle est composée de diverses partitas sur des chorals protestants ainsi que de courtes pièces qui forment comme un Orgelbüchlein des temps modernes. Jean-Sébastien Bach n’est d’ailleurs jamais très loin dans les pièces qui constituent ce double album… (Pierre-Yves Lascar)  Hugo Distler est né en 1908 et a grandi à Nuremberg. Après un échec au baccalauréat en 1927, il décide de prendre la voie de la musique. Il étudie alors le piano, la direction d’orchestre et un peu plus tard la composition et l’orgue à Leipzig. Vite remarqué dans la vie musicale de l’époque, il obtient très rapidement des postes d’organiste et de professeur de composition à Stuttgart et à Berlin. Mais ses œuvres insinuantes et militantes finissent par être qualifiées par les autorités nazies de « dégénérées ». En novembre 1942, alors qu’il n’a que trente quatre ans, il se suicide.
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