Pour Francisco Guerrero (Séville, 1528 – Séville, 1599), l'autre grand polyphoniste espagnol du Siècle d'or, avec Victoria et Morales, la musique relève d'une ascèse mystique, se dépouillant en vue d'une « digne contemplation des mystères sacrés ». A la différence de leurs contemporains flamands, les Espagnols privilégient le dépouillement et la simplicité sur la complexité, pour faciliter la compréhension du texte sacré. La texture de leur écriture sera donc homophonique. L'expression du texte sera confiée à une voix dominante, sopraniste chez Guerrero. Dans cet album, cette prépondérance des sopranos se traduit par une fraîcheur, une expressivité remarquables. Ainsi, le "Gaude Barbara" est vraiment un chant de joie, et le "Quomodo cantabimus canticum domini" une émouvante déploration de la patrie perdue, selon le psaume de Daniel. La "Missa Ecce sacerdotus magnus" est une des deux seules messes de Guerrero, sur les seize conservées, qui soit construite sur le chant grégorien. Mais, malgré le contexte des préconisations du Concile de Trente, Guerrero n'a pas encore renoncé à ce que la musique doive aussi « plaire à l'ouïe ». Et c'est un des charmes de cet album, où ne figurent que des inédits, heureusement sortis de l'oubli, pour le bonheur de nos oreilles. (Marc Galand)
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