Bach Les premières cantates vol 4 Schicketanz Bertucci Feuersinger Reinhold Kristjansson

Après les 17 cantates publiées dans les trois volumes précédents, Hans Christoph Rademann poursuit son intégrale avec la Gaechinger Kantorei, longtemps après celle de Helmuth Rilling, auquel il a succédé en 2013. L’ordre choisi, cohérent, est celui de la première année liturgique (ici : « Dominica 15, 16, 19, 20, 21, 22, 25 post trinitatis »), donc de cantates composées pour certaines avant son arrivée à Saint-Thomas. La diversité des conceptions (de la cantate-choral au style concertant), et des caractères renouvelle l’intérêt. Les sorties rapprochées des premiers coffrets (8 CD en à peine plus d’un an) réjouissent et surprennent. Alors que, patiemment, certains, dont Rudolf Lutz, par exemple, construisent leur projet sur le long terme, Hans-Christoph Rademann et la Gaechinger Kantorei, forts de leur riche expérience, semblent travailler au rythme le plus soutenu, mais Bach lui-même ne travaillait-il pas dans l’urgence ? C’est en tous cas le sentiment qui prévaut à l’écoute de ces cantates. On se situe évidemment à un des meilleurs niveaux. C’est construit, toujours, qu’il s’agisse des polyphonies les plus complexes ou des arie, la perfection vocale des solistes est manifeste dans la conduite de leur partie. Le chœur, à trois par partie, est homogène, réactif, coloré. Tout juste faut-il mentionner que le recours à un effectif « moderne » modifie les équilibres, dès le premier verset de « Warum betrübst du dich ». Les textes sont illustrés avec une profonde intelligence. Cependant, les contrastes paraissent moins affirmés que chez nombre des plus réputés des prédécesseurs, qu’il s’agisse des tempi comme des nuances : c’est toujours très beau, voire admirable, mais plus liturgique, retenu, que dramatique, ainsi le ténor Daniel Johannsen imprime-t-il au « Ach, schlage doch bald » (BWV 95) un certain maniérisme. La ferveur et la plénitude sont à chercher ailleurs. Une mention particulière pour la basse Peter Harvey, magistral dès l’aria de la cantate 138, d’une longueur de voix, d’une conduite et articulation qui forcent l’admiration. Sauf pour la cantate BWV 163, le choix est fait de recourir à une voix de femme pour tenir la partie d’alto, à chacun son goût... La prise de son fusionne les timbres, estompant quelque peu les couleurs et la lisibilité. A signaler la réalisation inventive du continuo de l’aria de soprano de la BWV 162, dépourvu de ses parties supérieures, aussi la surprise que constitue l’introduction instrumentale sur-articulée de l’air de basse de la 163. De façon globale, une réalisation de qualité qui s’ajoute aux références connues, sans les équivaloir. (Yvan Beuvard)