Depuis de nombreuses années le pianiste bavarois Oliver Triendl (1970) met son talent de concertiste et de chambriste au service de compositeurs et d’œuvres délaissés. Ce répertoire trouve ainsi une reviviscence permettant à l’auditeur de multiples et intéressantes découvertes. Au moment où l’actualité promeut les qualités de compositrices oubliées par le seul fait, trop souvent, d’avoir été ou d’être femmes, c’est aujourd’hui sur la forte personnalité de l’autrichienne Johanna Müller-Hermann (1868-1941) qu’Oliver Triendl et ses talentueux acolytes, Daniel Gaede et Nina Karmon (violons), Benedikt Schneider (alto) et Antoaneta Emanuilova (violoncelle), nous proposent de nous pencher. Issue de la bourgeoisie viennoise, Johanna Edle von Hermann, également connue sous les noms de Johanna Müller-Hermann ou Johanna Müller-Martini, fut d’abord institutrice avant de reprendre, après son mariage en 1893, des études musicales au Conservatoire de Vienne auprès de Josef Labor, Guido Adler, Anton Bruckner, Alexander von Zemlinsky, Franz Schmidt et surtout Josef Foerster, à qui elle succéda comme professeure de théorie musicale en 1918. Son œuvre officielle, relativement réduite, une vingtaine d’œuvres de musique de chambre, ou instrumentale, un oratorio et une fantaisie symphonique, se ressent étrangement des influences contrastées de Max Reger et Gustav Mahler. Sans doute, pour expliquer son progressif oubli, sa contribution en tant que femme à "l'automne doré viennois" ne correspondait-elle pas à l'image dominante des jeunes hommes viennois qui se rebellaient contre les conventions. En tant que compositrice tonale, elle a donc été ignorée parce qu'elle n'avait finalement rien à voir avec le grand projet du modernisme atonal et sériel lancé par Schoenberg. Le présent enregistrement en témoigne éloquemment. Le flamboyant et puissant Quintette en sol mineur op. 31, de 1932, la plus modeste et intime Sonate en ré mineur op. 5 de 1905, témoignent de ce que cette musique est magnifiquement conçue, dotée d’une harmonie subtile et fascinante qui décuple l’expressivité des couleurs dont Johanna Müller Hermann sait savamment parer son instrumentarium. Une découverte, supplémentaire, à ne pas manquer. (Jacques-Philippe Saint-Gerand)
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