 Peut-être est-ce ainsi qu’il aurait rêvé de l’entendre interprétée ? Quand, en 1594, William Byrd compose sa Messe à cinq voix, la dernière d’un ensemble de trois messes ordinaires, c’est de façon clandestine, dans une chapelle privée, avec les effectifs dont il pouvait disposer dans ce domaine privé. Il a déserté ses enviables fonctions d’organiste et de maître de La Chapelle royale de Londres, plutôt que de se plier à la Réforme anglicane initiée par le roi Henry VIII et réanimée par la reine Elisabeth. Converti (ou resté fidèle ?) au catholicisme, il s’est exilé en 1593 sur les terres d’un riche aristocrate catholique réfractaire, Sir John Petre, à Stondon Massey (Essex), qu’il ne quittera plus . Il y sera enterré en 1623. Pour ses messes, il ne peut plus compter sur les grands choeurs masculins des collèges d’Oxford ou de Cambridge, des cathédrales d’York ou de Londres : La messe latine y est dès longtemps hors-la-loi. Les Gesualdo Six nous en donnent une version majestueuse, avec une formation dont Byrd aurait pu rêver. Ils en libèrent ainsi le potentiel expressif. Est-ce par nostalgie d’un temps plus tolérant en matière de religion ? Pour ses œuvres vocales, messes et motets, Byrd n'use pas du style baroque et avant-gardiste de ses oeuvres pour clavier. A l’éloquence flamboyante de ses contemporains continentaux, il préfère une polyphonie archaïsante, à même d’exprimer sa foi avec une émotion contenue. Le « Kyrie » est une ardente imploration, le « Tristitia et anxietas" est déchirant. Dans le « Credo », pièce ingrate s’il en est, les voix des sages convergent en une convaincante conversation. L’Ave Maria est plein d’une tendre révérence, le Benedictus d’une confiante sérénité. Le « Circumdederunt » est riche d’‘audacieuses dissonances, exprimant les douleurs de la mort. Aux cinq parties de l’ordinaire de la messe, les Gesualdo Six ont en effet entremêlé des motets extraits des Gradualia (1605-1607), cycle annuel qui met en musique le propre de la messe en fonction des fêtes religieuses, et que Byrd concevait comme « une guirlande ornant de saintes et délicieuses phrases du rite chrétien ». Et aussi des motets extraits des « Cantiones sacrae » publiées en 1589, quand Byrd et son maître et ami Thomas Tallis étaient encore organistes, chanteurs et compositeurs à la Chapelle royale de Londres, et partageaient faveurs et privilèges de la reine Elisabeth. Avec leur habituelle perfection sonore, les Gesualdo Six sont au rendez-vous de l’émotion. (Marc Galand)  œuvres
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