Plutôt que de ses amis, il aurait fallu parler des disciples de Claudio Monteverdi. En effet, si tous les compositeurs représentés dans cet album ont œuvré à Saint-Marc de Venise, c’est sous la direction de Monteverdi, qui y fut maître de chapelle de 1613 à sa mort, en 1643. Biagio Marini (Brescia, 1594 – Venise, 1663) était un virtuose du violon, en développa la technique et s’efforçait de lui donner la même séduction expressive que la voix humaine. C’est à ce titre qu’il travailla à Saint-Marc, de 1617 à 1620. Après une période d’instabilité professionnelle qui le conduisit jusqu’à Düsseldorf, il revint se fixer à Venise, où il publia en 1653 un recueil de « Salmi per tutte le solennità dell’anno ». Alesso Grandi (Venise, 1590-Bergame, 1630), d’abord maître de chapelle à Ferrare, fut engagé dans les chœurs de Saint-Marc avant d’y devenir « vice-maestro di cappella » et de seconder Monteverdi en 1620. Spécialiste du motet concertant et du madrigal monodique, il fut le premier à utiliser le terme « cantate » pour désigner certaines œuvres vocales (pièces monodiques en plusieurs strophes variées sur une même basse continue). Giovanni Rovetta (Padoue, 1596-Venise, 1668) a passé toute sa carrière à Saint-Marc, comme choriste, puis instrumentiste, basse, vice-maître de Monteverdi, avant de lui succéder en 1644 jusqu’à sa mort. Ses compositions comprennent des madrigaux et beaucoup de musique sacrée. Son style reflète souvent l’influence de Monteverdi, mais parfois avec un charme mélodique distinct. Legrenzi fut son élève. Dario Castello (Venise, 1602, Venise, 1631) fut violoniste à Saint-Marc en 1624. Il a publié deux recueils de « sonate concertate in stile moderno », à 2 et 3 voix et basse continue, sonates encore librement construites et dénotant un goût marqué pour la virtuosité. Giovanni Rigatti (1613-1648) fut enfant de chœur à Saint-Marc en 1621, avant d’occuper d’autres fonctions à Udine et à Venise. Il a publié cinq volumes de motets pour vox soliste et quatre psaumes. Le langage musical de Monteverdi dans ses dernières œuvres sacrées présente souvent un caractère théâtral, des « affetti » riches et une prédilection pour les contrastes forts, comme dans ses madrigaux et opéras tardifs. Rovetta et Rigatti usent du même langage, mais associent plus clairement les instruments aux chanteurs, leur font parfois imiter les lignes de chant, ou remplissent avec eux les textes des segments tutti. Ces disciples n’ont peut-être pas influencé Monteverdi, qui avait déjà d’autres révolutions à son actif, mais ils n’en avaient pas moins chacun leur personnalité musicale, ce que l’on perçoit à l’écoute de ce CD. L’ensemble Musica Fiata de Cologne, dirigé par son fondateur Roland Wilson, nous donne avec cet album un séduisant panorama, comme une « veduta » musicale, de la musique sacrée de la Sérénissime, au milieu du XVIIème siècle, avec de nombreux inédits. (Marc Galand) It was only recently that the world of classical music began to rid itself of its obsession with great names and great places. There of course can be no doubt that Claudio Monteverdi was a great composer and that he wrote many a magnificent work for St. Mark’s Cathedral. Yet, after many long years, we are now gradually coming to the realization that the Venetian musical universe was not limited to San Marco. Without wanting to diminish Monteverdi’s genius, we have to admit, as is clearly audible on this recording, that this master was a member of a gifted, innovative circle of composers whose creative production was also of benefit to him. On the present new release we hear sacred works, including rare Psalm settings, not only by Monteverdi himself but also by Giovanni Rovetta, Antonio Rigatti, and Dario Costello. The musical language employed by Monteverdi in his later sacred works displays a theatrical character, rich affections, and a predilection for strong contrasts that can hardly be distinguished from the style of his late madrigals and operas. His substitute Giovanni Rovetta and his pupil Giovanni Antonio Rigatti used the very same language. They more clearly combine the instruments with the singers, at times have them imitate the song lines, and in other places fill out the textures of the tutti segments with them. With their four vocal parts, two high instruments, and the plenum sound of the organ, the homophonic passages create the illusion of a much larger ensemble. Thirteen years after Monteverdi had settled in Venice, Giovanni Rovetta’s Dixit Dominus and Magnificat were published (1626). These are the mature works of a young composer who here speaks the same musical language known to us from Monteverdi’s Selva morale. Might it be possible that Monteverdi was influenced by his younger colleagues, just as they were influenced by him?
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