 Passionnant projet, et audacieux, que celui des Gesualdo Six dans cet album : Montrer ce que leur compositeur éponyme, Carlo Gesualdo (Naples, 1560 – Naples, 1613), présent à la cour des Este à Ferrare en 1594, et qui y a composé notamment pour le célèbre « Concerto delle dame di Ferrara », devrait à d’autres compositeurs qui y ont séjourné et œuvré près d’un siècle plus tôt : Heinrich Isaac, présent à Ferrare en 1502, Josquin Des Prés (en 1503-1504), Antoine Brumel (maître de chapelle à Ferrare en 1506), Jean Lhéritier (en 1506), Jean Mouton (à la cour de Ferrare à partir de 1515) et son élève Adriaan Willaert (de 1520 à 1525), et d’autres qui, sans y avoir été physiquement présents, ont participé à cette effervescence musicale, comme Loyset Compère, très apprécié par les Este. Les Gesualdo Six soulignent ainsi la continuité du rôle de laboratoire de l’avant-garde musicale joué par Ferrare dès l’aube franco-flamande de la Renaissance, soucieuse d’harmonie et de contrepoint parfaits, jusqu’à son flamboyant crépuscule maniériste, incarné par le prince de Venosa. L’exercice est assez convainquant. Parmi d’autres exemples, on retrouve dans les poignants « Nymphes des bois » (Josquin), « Absalon mi fili » (Pierre de La Rue), « Qui ne regrettoit » (Jean Mouton) l’atmosphère funèbre et les audaces harmoniques des derniers madrigaux de Gesualdo. Quoiqu’il en soit de cette proposition stimulante, les Gesualdo Six, par la perfection de leur réalisation et la beauté du chant, signent là un superbe hommage à Josquin, couronné de son vivant « prince des musiciens », et mort il y a 500 ans. (Marc Galand)

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