Deux mains virtuoses sur 88, 102 ou 108 touches est la norme. Mais, à condition que ne s’accrochent pas accidentellement les boutons de manchettes, comme dans le cas jadis d’Alfred Brendel et Daniel Baremboim. Or, voici que Multipiano offre une démultiplication de cette virtuosité en proposant quatre mains et vingt doigts sur un ou deux claviers, ou huit mains et quarante doigts sur deux pianos. Comment diantre cette arithmétique digitale est-elle donc possible ? Très simplement, le talentueux Tomer Lev, initiateur du projet, a réuni autour de lui Berenika Glixman, Alon Kariv, Nimrod Meiry-Haftel, pianistes non moins habiles, tous issus du conservatoire Buchmann-Mehta de Tel Aviv, puis s’est lancé dans un travail de recherche le menant à la découverte de partitions rares, souvent inédites, avec ou sans orchestre, et adaptées à ces formations. En 1833, le Mendelssohn de vingt-quatre ans retrouvait son maître Moscheles (1794-1870) pour un concert caritatif londonien dans lequel ils improvisèrent de brillantes variations sur la « Marche bohémienne » du "Preciosa" de Weber. Le manuscrit, perdu, fut retrouvé à Saint-Petersbourg en 2003. Le même Moscheles composa en 1847 une suite pour deux pianos : « Les Contrastes », revisitant les formes baroques jusqu’au tour de force digital conclusif, que Tomer Lev et Aryeh Levanon (1932-2023) dotèrent d’une orchestration. La "Wanderer Fantasie" (1822) de Schubert avait été orchestrée par Liszt (1851), Alexander Tamir (1931-2019), avec sa partenaire Bracha Eden (1928-2006), adapta l’œuvre pour deux pianos et orchestre en 1982. Les deux "Grandes Marches" de Schubert qui clôturent cet enregistrement avaient été composées pour piano à quatre mains. Ernst Pauer (1826-1905) les a revisitées avec deux pianos à huit mains en développant leur potentiel orchestral. Interprètes excellents, compositions ou adaptations jusqu’alors inouïes, Hyperion ne manque jamais une occasion d’être un label surprenant et de très haute qualité. Compliments. (Jacques-Philippe Saint-Gerand)
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