 Toujours à la recherche de sujets pour conquérir le public viennois qui ne jurait que par l’opéra, Schubert avait l’enthousiasme aussi facile que sa tentation pour l’inachèvement. En 1815 il osa se confronter à la Claudine von Villa Bella de Goethe, achevant un vaste singspiel en trois actes qui ne nous est parvenu qu’à l’état de fragment : le plus gros du manuscrit, laissé par Hüttenbrenner à Vienne, servi de combustible pour le poêle de ses voisins… Des Teufels Lustschloss connut un sort encore mieux assorti à son titre puisqu’il brula intégralement. Mais le peu qu’il nous reste de Claudine von Villa Bella, son orchestre mozartien, ses arias subtiles, suffisent à émerveiller, d’autant que Lothar Zagrosek les dirige d’une main légère, et que ses chanteurs, même un ténor peu connu, mettent du cœur à cet ouvrage nécessaire, et d’abord Edith Mathis, ce sourire dans la voix… Achevé, le singspiel Fernando sur un texte de l’ami Stadler, l’est bel et bien, reprenant le genre initié avec succès par Josef Weigl. Saisissant dès la prière de Philippe à sa mère – l’enfant de douze ans est chanté par une soprano, Edith Mathis y est déchirante – ce singspiel noir dont l’action qui voit un fils retrouver son père dans une forêt qui pourrait être celle du Freischütz est un pur chef d’œuvre resté méconnu, dont les pages musicales sont du plus grand Schubert. On ne peut en dire autant de la Cantate pour Spendon, ajoutée pour faire bon poids, mais qui boudera une note de Schubert ? (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)  L'année 1815 fut particulièrement féconde pour l'activité créatrice de Schubert, pas moins de 150 lieder, deux messes, une symphonie et quatre Singspiele dont deux figurent sur ce disque enregistré en 1982 par le chef Lothar Zagrosek pour le label Orfeo et qui vient justement d'être réédité. Calqué sur les œuvres du même genre de Josef Weigl, fort appréciées du public viennois, Fernando apparaît comme tous les « opéras » de Schubert comme une forme hybride, mêlant mélodies populaires et rustiques alla Weigl et numéros bien plus développés sur le modèle des opéras de Gluck, formes nobles que lui avait enseigné son maître Salieri. Ainsi l'orchestration surchargée et l'harmonie parfois sophistiquée contredisent en permanence le livret assez anodin d'Albert Stadler, ami du compositeur. Composé la même année, Claudine von Villa Bella d'après un poème de Goethe s'avère plus représentatif du genre par sa grandiose ouverture et ses ariettes aux allures de Lieder. Fruit d'une commande, la Cantate en l'honneur de Josef Spendou, prêtre réformateur de l'époque, est une partition assez académique mêlant adroitement récitatifs airs et chœurs. On retrouvera avec bonheur le timbre fruité d'Edith Mathis idéale ici dans les rôles d’Eléonore et de Claudine et la basse voluptueuse de Robert Holl toujours impeccable dans ses interventions. Saluons une réédition indispensable doté en plus d'un livret trilingue. Mazel tov ! (Jérôme Angouillant)

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