Leos Janácek (1854-1928)
Lachian Dances, JW VI /17
Suite pour orchestre, op. 3, JW VI/6
Hospodine! (Lord, have mercy!), JW III/5
Moravian Lord's Prayer, JW IV/29

Birgit Remmert, contralto
Livia Aghova, soprano
Peter Straka, ténor
Pavel Daniluk, basse
Peter Dicke, orgue
Sabine Thiel, harpe
NDR Chor
WDR Rundfunkchor und Sinfonieorchester Köln
Gerd Albrecht, direction

Gerd Albrecht, fidèle à son art, s’était engagé à enregistrer pour Orfeo des opus délaissés, de la Svata Ludmila de Dvorak aux Soldaten de Gurlitt. Venant à Janacek, compositeur qu’il révérait, il aurait sans doute gravé toute l’œuvre si l’éditeur munichois le lu avait demandé. Las, il offrit une version transcendante du rare Osud, mais ni Katia Kabanova, ni Vec Makropoulos. Orfeo voudrait-il deux rares opus d’orchestre, les Danses de Lachie et la petit symphonie déguisée qu’est l’encore moins courue Suite op. 3 ? Banco. Albrecht demanda d’y ajouter deux œuvres chorales, puisque le chœur de la Radio était accessible, le bref Hospodine ! et cette merveille aux dorures sombres qu’est son « Notre Père » : l’orgue, le décompte mystérieux de la harpe, un chœur orant et un ténor comme échappé du Journal d’un disparu. Œuvre sublime, du plus grand Janacek et du plus méconnu, Albrecht y insistant. Il l’aura placée à la toute fin du disque, la puissance suggestive de ce quart d’heure de musique ne supportant plus après lui que le silence. Merveilleuse interprétation emmenée par Peter Straka qui déploie de son ténor ardent cette icône sonore dont Gerd Albrecht soigne les atmosphères célestes. Le reste de l’album se savourera tout autant, Danses de Lachie emplies de paysages (sans pourtant la verdeur qu’y mettait Bretislav Bakala), Suite op. 3 piquante, alerte, mais c’est à la dernière plage que vous vous émerveillerez. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)

La réédition de ce disque gravé en 2000 est une excellente opportunité. Elle permet de redécouvrir une partie de la production du jeune Janacek car ces partitions appartiennent à la décennie des années 1890. La personnalité du compositeur tchèque est déjà puissante, mais le style se cherche notamment dans la création d’un folklore imaginaire transposé dans l’orchestre de l’Europe centrale, celui d’un Dvorak et d’un Smetana. Gerd Albrecht anime avec beaucoup de saveur les Danses Lachiennes et même s’il ne dispose pas des couleurs spécifiques des formations tchèques (Jilek avec l’Orchestre philharmonique de Brno ou bien Neumann avec la Philharmonie Tchèque), le résultat impressionne par sa souplesse et l’élégance de la direction. Plus intéressante car plus rare au disque, la Suite pour orchestre reprend quelques éléments du premier opéra de Janacek, Le Début d’un roman. L’influence de Dvorak y est évidente notamment dans les contrastes rythmiques et le choix des mélodies. L’alternance de danses, de véritables tourbillons et de passages nostalgiques qui privilégient certains instruments comme le hautbois et le cor est révélatrice. Pater Noster (Otcenáš) annonce déjà certaines pages d’opéras. L’univers de Dvorak a disparu au profit d’une écriture très épurée, concise et dramatique à la fois. Avec les chœurs, Janacek recherche une forme de pureté que l’on retrouve à la même époque, en France, chez un Fauré. Quant au choral Hospodine ! pour solistes et chœurs, le compositeur puise dans un chant vieux-slave dont il extraie toute la saveur. (Jean Dandrésy)