Jean-Baptiste Loeillet de Gand (1688-1720)
Suite pour clavier en mi mineur

Karol Szymanowski (1882-1937)
Extraits de "20 Mazurkas", op. 50

Franz Schubert (1797-1828)
Extraits de "16 Deutsche Tänze", D 783
Extraits de "34 Valses sentimentales", D 779
Extrait de "12 Ländler", D 790
"Rosamunde, Fürstin von Zypern", D 797 (trans. pour piano)

TK Murray (20e siècle)
Danse barbaro

Robert Constable (20e siècle)
Nocturne "A slinky foxtrot"

Franz Liszt (1811-1886)
Tarantelle, extrait de "Venezia e Napoli, Supplément aux Années de Pèlerinage II", S 162

Mark Saya (1954-)
Paraphrase "Habaneras"

Isaac Albéniz (1860-1909)
"Seguidillas", extrait de "Cantos de Espana", op. 232

Alan Charlton (1971-2018)
Fantaisie-Mazurka

Benjamin Godard (1849-1895)
Mazurka n° 2 en si bémol majeur, op. 54

Anatoli Konstantinovitch Liadov (1855-1914)
"I danced with a mosquito", extrait de "8 Russian folk songs", op. 58

Billy Mayerl (1902-1959)
"Railroad Rhythm"

George Botsford (1874-1949)
"Black and White Rag"

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
"La Tartine de beurre", K Ahn 284n

Byron Adams (1955-)
"La tristesse amoureuse de la nuit", extrait de "Illuminations"

Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Sarabande de la Suite pour violoncelle n° 6 en ré majeur, BWV 1012 (trans. pour piano)

Piers Lane, piano

Une merveilleuse Mazurka de Szymanowski (op. 50 n° 1) permet à Piers Lane de se faire magicien, la dorant dans un savant jeu de pédale. C’est la perle de ce nouveau récital où le pianiste se fait d’abord plaisir pour mieux nous charmer, rééditant dix ans après un premier "Goes to town" son savant mélange de répertoires variés. Cette fois un peu moins de pièces en marge, mais quelques belles découvertes quand même : le petit opium du "Slinky Foxtrot" de Constable, le "Railroad rhythm" de Mayerl, l’étreignant "la tristesse amoureuse de la nuit" de Byron Adams (d’après Rimbaud), la délicieuse Fantaisie-Mazurka d’Alan Charlton ne surclassent pas l’ébouriffante "Habanera" où Mark Saya mêle Bizet et Debussy, premier tableau d’une échappée belle en Espagne avant que le pianiste n’emporte avec son chic natif une formidable "Seguidillas" d’Albéniz. Autre, la Deuxième Mazurka de Godard, irrésistible. Bel album de vignettes, commencé chez Loeillet avec sa si jolie Suite en mi mineur et fini chez Bach, avec la Sarabande de la Sixième Suite pour violoncelle transcrite par Julian Jacobson, avec une belle surprise, le petit panier de Danses allemandes et de Valses sentimentales que Myra Hess avait regroupé à son usage. Mazette quel Schubertien ! Et si Piers Lane allait voir un peu de côté là... (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)

En 2013, le pianiste australien résidant à Londres, Piers Lane, était déjà "descendu en ville" et y "était allé de bon cœur", "mettant le paquet" et "se lâchant", si je peux dire, dans une compilation de petites pièces inattendues. Dix années plus tard, il récidive joyeusement en nous proposant de découvrir ses plaisirs très personnels, certainement coupables aux yeux et à l’oreille du conformisme de mise dans la majeure partie des mélomanes, mais pleinement assumés, en espérant que cette plaisante juxtaposition d’œuvre et de compositeurs d’époques très variées, incluant notamment de nombreux contemporains peu connus, n’incommode ces derniers d’être appréciés à l’aune d’autorités si imposantes, et ne brouille les appréciations des auditeurs. Du côté des notoriétés reconnues, on trouvera Szymanowski, avec un couple de Mazurkas aux mélismes envoûtants. Des Danses et Valses sentimentales de Schubert élégamment troussées. La Tarentelle enjouée de Liszt, et finement ciselée, extraite de "Venezia e Napoli". L’entêtante Seguidillas, n° 5 et ultime pièce des "Cantos de España" d’Albeniz. La musique de ballet du Rosamunde de Schubert, enrichie par Godowsky d’un prodigieux traitement harmonique et contrapuntique. Une Mazurka pleine de surprises d’un Benjamin Godard que l’on connaît toutefois plus par sa "Berceuse de Jocelyn". Du procrastinateur Liadov une chanson humoristique : "I danced with a mosquito". Et enfin J.S. Bach dans une adaptation de la Sarabande de la sixième Suite pour violoncelle BWV 1012 par Julian Jacobson, dont le nom ouvre en quelque sorte l’ingénieuse boite de Pandore dont Piers Lane a su tirer des perles méconnues. Telle cette Suite en Mi mineur du Loeillet de Londres (1680-1730) dont les cinq sections avaient également retenu jadis Shura Cherkassky. Ou l’inquiétante "Danse barbaro" de Timothy Murray (né en 1961) qui hésite entre Alkan et Bartok. Voire un séduisant "Slinky foxtrot", nocturne très chaloupé de l’Australien Robert Constable (né en 1953). Une paraphrase opératique de Mark Saya (né en 1954) : "Habaneras", dans laquelle le compositeur mêle habilement des références à Bizet et Debussy. Dédicataire de la Fantasie-Mazurka d’Alan Charlton (1970-2018), Piers Lane sait en exprimer les sombres profondeurs post Chopin et Szymanowsky. On se réjouira de retrouver aussi, dans "Railroad Rhythm" les syncopes si caractéristiques de Billy Maierl (1902-1959) et l’évocation finale de son dernier coup de sifflet. Une savoureuse adaptation par la trinidadienne Una Winifred Atwell (1914-1983) d’un rag time de George Botsford (1874-1949), "Black and white rag". Tandis que La Tartine de beurre, attribuée à Mozart est délicatement interprétée ici avec esprit, Piers Lane choisit enfin d’emprunter à Byron Adams (né en 1955) la seconde pièce de sa Suite pour piano (2008) inspirée des Illuminations de Rimbaud : … la tristesse amoureuse de la nuit…. Un disque plein de découvertes musicales suprêmement bien interprétées, et qui méritent le détour. (Jacques-Philippe Saint-Gerand)