En juillet 2022, Martyn Brabbins, bravant la pandémie, réalisa l’un de ses souhaits les plus tenaces : enregistrer l’immense Requiem où Charles Villiers Stanford assembla un vaste effectif, taillé à la mesure de son propos. Le disque parait une année avant les commémorations du centenaire de la disparition de ce compositeur emblématique de l’ère victorienne. Un requiem ? Oui, mais baigné par la certitude de la rédemption, pénétré d’une lumière de haute spiritualité, et d’une écriture absolument indifférente aux canons de ce style d’œuvre. Fatal, Stanford était irlandais, de confession protestante, mais réfugié dans le catholicisme latin de l’office des morts, il baigne son orchestre dans une sorte de romanité fantasmée qui lui inspire des pages d’un angélisme transcendant dont seul Gabriel Fauré saura retrouver, par d’autres voies, l’élévation séraphique : écoutez seulement l’introduction de la soprano et du violon pour le In memoria aeterna, avant le Die Irae, plus inquiet que terrifié. En Albion seul ensuite John Foulds, puis Benjamin Britten, oseront des Requiem aussi inoubliables, mais ils étaient tous deux de confession catholique. L’enregistrement est superlatif, très au-dessus de la première proposition par les forces irlandaises pour Marco-Polo (Naxos) probablement réalisé en marge de ce concert historique que la BBC avait retransmis, porté par un quatuor et un chœur partageant une même ferveur, et donne enfin à entendre toutes les beautés de cette admirable partition. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé) Le sens de la grandeur, mais aussi une certaine forme de pudeur qui s’interdit tout excès caractérisent l’écriture de bien des musiciens anglais de la fin du 19e siècle. Refus de l’emphase postgermanique, mais aussi sens du chant, attrait pour les belles lignes mélodiques et exaltation de l’espace propre au génie de l’Empire britannique "sur lequel jamais le soleil ne se couche"… La musique de Stanford est un immense fleuve sonore auquel il est difficile de résister tant il est lumineux et fortifiant. Ce compositeur d’origine irlandaise fut l’un des grands animateurs de la vie anglaise, injustement oublié après sa disparition. Ce n’est que dans les années quatre-vingt que sa musique fut à nouveau programmée, dont les sept symphonies et neuf opéras ! Les sept parties du requiem catholique - daté de 1897 et créé à Birmingham – font songer à "Un Requiem Allemand" de Brahms, notamment par l’emploi continu du chœur traité avec la même complexité polyphonique que chez le compositeur allemand. La partie dénommée "Sequence" qui intègre le Dies Irae et jusqu’au Pie Jesu Domine est la plus imposante : orchestration puissante notamment dans les cuivres, contrastes incessants, sens du théâtre. Quelques aspects – y compris dans l’Agnus Dei et le Lux Aeterna qui referment la partition - rappellent la dimension spectaculaire que l’on trouve dans le Requiem de Berlioz. Dirigés avec beaucoup de souplesse par Martyn Brabbins, les ensembles et solistes sont servis par une prise de son des plus agréables. Le Requiem enregistré dans la ville même de sa création est une partition grandiose qui mérite d’être découverte. (Jean Dandrésy)
|