 Le brillant pianiste australien Piers Lane (1958-), avec cet enregistrement thématiquement centré sur l’art de la variation revisité par l’esprit russe, ajoute un élément important à sa déjà très imposante et fort éclectique discographie. Les Variations sur un chant traditionnel russe furent publiées en 1818 et développent, si l’on peut dire, le motif d’un air populaire énergique « dansez jusqu’à ce que vous tombiez » que Field a eu la bonne idée d’adapter à la quiétude des salons de la bonne société dans lesquels il se produisait. Les Six morceaux composés sur un seul thème (1873) de Tchaikovski peuvent être interprétés séparément, mais leur réunion à la suite des uns des autres en fait un recueil de variations subtiles dont l’Impromptu en Ut dièse mineur était apprécié d’Anton Rubinstein (1829-1894). Une énigme flotte sur le thème finnois choisi par Glazunov pour son Thème et Variations op. 72 de 1900, car, en raison des difficultés politiques relationnelles entre la Russie impériale et la Finlande, le compositeur en supprima la mention, ce qui accrédite l’idée selon laquelle ce thème n’aurait aucune origine vraiment populaire. Le traitement harmonique et contrapuntique sophistiqué que lui confère Glazunov en fait une œuvre d’originale et séduisante complexité. Les Variations sur un thème de Chopin, op. 22, de Rachmaninov, datent de 1902-03 et proposent un kaléidoscope de vingt-deux humeurs slaves à partir du célèbre vingtième Prélude en Ut mineur op. 28 de Chopin. L’ampleur de ce monument laisse progressivement apparaître dans ses trois sections — 1-10, 11-18, 19-22 — la voix personnelle de Rachmaninov s’appropriant celle de Chopin. Le compositeur, en raison de l’étendue et de la complexité de l’œuvre, proposant aux interprètes d’oublier quelques variations, on n’en appréciera que mieux que Piers Lane en offre ici une magnifique interprétation in extenso, pleine d’inventivité et de force émotionnelle. Particulièrement recommandé. (Jacques-Philippe Saint-Gerand)  Variations russes vraiment ? ou sur un thème russe ? Rachmaninov répond avec ses sombres "Variations Chopin", où Piers Lane ne laisse pas entrer un rai de soleil, le plus russe et aussi le moins russe des opus réunis ici par la nature même du son, et partant l’acmé d’un disque aussi précieux qu’inégal, commencé par les pages anecdotiques de Field. Mais revenons à Rachmaninov. Cet opus 22 est l’un des chefs-d’œuvre de son catalogue pianistique, sa partition la moins offerte aussi. On y surprend le compositeur dans son atelier, mettant derrière le Prélude de Chopin souvent du Bach, et déployant une science pianistique où semble se mirer celle de Busoni. Piers Lane en saisi le souffre, les étrangetés, mais lui refuse l’ampleur qu’elle exige dans ses moments de furia (le "piu vivo"). Cette demi-mesure réussira mieux au précis poétique déployé au long des quinze variations de l’op. 72 de Glazounov, dont l’élégance poétique, le raffinement des couleurs s’accordent avec la nature même du pianiste qui détaille aussi avec art les presque riens des vignettes que Tchaikovski assemble dans un recueil mineur aux charmes étranges. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)

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