Humperdinck Mélodies pour enfants Mertens Fritzsch Übellacker Art Breiding

Les recueils de chansons pour enfants n'ont jamais manqué dans les pays de culture germanique. Mélodies populaires appartenant au folklore, liées aux contes et aux légendes, écrites au fil du temps par divers compositeurs (Mozart, Hiller, Schumann, Brahms et bien d'autres) ou qui relevaient à la fois du folklore et de la musique savante (par réécriture, adaptations, reprises etc.) : toutes ces formes témoignèrent d'une tradition informant la pratique de nombreux ensembles vocaux et instrumentaux tant professionnels qu'amateurs. Le Deutsches Kinder-Liederbuch, constitué dès 1903 à l'initiative de l'éditeur A.Perthes, de Humperdinck et de sa sœur, Adelheid Wette — déjà librettiste du singspiel "Hänsel et Gretel", inspiré d'un conte de Grimm et seul des 7 opéras grâce auquel le compositeur, qui fut aussi assistant de R. Wagner et professeur dans de grands conservatoires allemands ainsi qu’à Barcelone put se faire connaître hors de son pays — constitue un des exemples les plus notables de ce type de publication. Le présent CD propose un florilège de 43 des 72 mélodies du recueil — qu'elles soient anciennes, écrites par d'autres, ou (re-) créées par le frère et la sœur. Le baryton-basse K. Mertens, particulièrement réputé dans le répertoire baroque (cf. ses prestations dans les cantates de Bach) se signale ici par son naturel, la clarté et la fraîcheur de sa diction, la justesse de sa sensibilité, en parfaite osmose avec les voix d'enfants du chœur de Hanovre. Les instruments (harpe baroque, dulcimer et viole de gambe), joués respectivement par M. Art, M. Übellacker et Th. Fritzsch sont tout aussi appropriés aux airs du folklore qu'à la musique ancienne ou néotraditionnelle. Les merveilles de la nature, les animaux et leurs cris (un magnifique mariage d'oiseaux entre autres enchantements), les jeux, les saisons et les paysages, tels sont les principaux motifs de ces délicates miniatures. Mais un manque impardonnable vient gâcher le plaisir : l'auditeur de cet album n'a pas accès aux textes, pas plus en langue originale qu'en traduction. Comme si les paroles n'avaient aucune importance, comme si A. Wette ne comptait pour rien ! La poésie délicate de cet univers enfantin, échappera donc, dans ses nuances et sa diversité, à la plupart des auditeurs. Un coffret d'opéra sans livret comporte en général au moins un résumé. Ici, alors même que les illustrations abondent et font luxe, aucun texte de chanson n'est fourni ! La signification fait trou. La musique devient alors orpheline, sans rai- ou ré- sonance. Aboli bibelot d'inanité sonore. Le texte original et sa traduction en une ou deux langues s'imposaient absolument. Même avec un supplément de prix. (Bertrand Abraham)