Il faut une nouvelle fois saluer l’inventivité et l’esprit d’originalité du label CPO qui s’est fait avec constance, contrairement au conformisme des labels multinationaux, le champion de compositeurs méconnus et de rares répertoires. C’est aujourd’hui le fort négligé Sigmund von Hausegger (1872-1948) que fait revivre ce coffret de trois disques, doté d’un imposant livret de plus de 75 pages délivrant sous la plume de Eckhardt van den Hoogen toutes les précisions souhaitables à l’égard d’un compositeur dont l’intégrité morale, l’idéalisme et les exigences artistiques rebutèrent sans doute un public moins sourcilleux sur ces qualités. Hausegger, né à Graz en 1872, rencontre un Brahms vieillissant en 1891 et lorsqu’il lui fait part de son désir de devenir compositeur, ce dernier marmonne dans sa barbe : "Toutes les places sont déjà prise". Ce qui ne découragea pas immédiatement l’audacieux, dont le catalogue comporte une Messe, un Requiem, deux Opéras et cinq œuvres symphoniques, mais l’incita vite à se faire plutôt un nom comme chef d’orchestre, notamment à Munich entre 1920 et 1938. Les œuvres présentées dans cet enregistrement constituent donc l’intégralité de sa production et donnent à entendre la parfaite synthèse qu’elles proposent entre les postromantiques et les décadents véritables. Puissantes et colorées, ces œuvres s’inscrivent naturellement dans les climats développés par Bruckner, dont Hausegger chef d’orchestre se fit le chantre fervent et avisé, Mahler pour la qualité des couleurs harmoniques et Richard Strauss, pour l’opulence orchestrale. Il est intéressant de noter, au sujet de ce dernier que la "Natursymphonie" de Hausegger, créée en 1911, précède de quatre années "Eine Alpensynfonie", que Strauss composa entre… 1911 et 1915. No comment !... À côté de cette célébration de la nature et de son créateur, l’auditeur découvrira dans ce coffret des variations symphoniques sur une chanson enfantine : "Aufklänge", très différentes des "Variations sur une chanson enfantine pour piano et orchestre", op. 25 (1914) d’Erno von Dohnányi, les poèmes symphoniques "Dyonysische Phantasie" et "Wieland der Schmied", "Barbarossa", ainsi que les "Drei Hymnen an die Nacht" d’après des poèmes de Gottfried Keller (1819-1890) qui font entendre un post-wagnérisme crépusculaire proche des Gurrelieder de Schoenberg (1900-1913). Par la multitude de ces allusions et de ces références on peut aisément et immédiatement concevoir comment et pourquoi un compositeur aujourd’hui négligé, voire oublié, s’avère en réalité être le parfait kaléidoscope des tendances esthétiques et artistiques à l’œuvre en son époque. C’est en ce sens que Sigmund von Hausegger mérite d’être reconsidéré. Les interprètes des présents enregistrements sont à cet égard tout-à-fait remarquables. Les directions d’orchestre d’Ari Rasilainen et Antony Hermus permettent au WDR Sinfonieorchester et au Bamberger Symphoniker ainsi qu’au Norrköping Symphony Orchestra de mettre en valeur la puissance de leurs vents et de leurs cuivres, la ductilité de leurs cordes au service d’une musique instrumentalement très exigeante. On reconnaît là les qualités du chef d’orchestre que fut Hausegger, demandant à ses successeurs mêmes rigueurs et soins. Le WDR Rundfunkchor fait montre de son impressionnante cohésion. Hans Christoph Begemann, baryton, dont on a déjà eu l’occasion d’apprécier la versatilité, de Schubert à Rihm en passant par Pfitzner, s’avère ici l’interprète idéal des textes de Keller et de la musique ardente de Hausegger. En bref un coffret à découvrir absolument et qui enchantera tous les passionnés de cette période de transition en laquelle se combattirent les tendances les plus extrêmes de la musique moderne post wagnérienne et brahmsienne… quelque iconoclaste que puisse paraître cette association dont les compositeurs d’outre-Rhin tirèrent — comme on le sait — toutes les conséquences. Une réalisation à honorer particulièrement. (Jacques-Philippe Saint-Gerand) A new inexpensive box set now features all of the symphonic works by Graz-born composer Siegmund von Hausegger, as well as his three anthems. The works to be heard span virtually the entire career of the great symphonic composer: from the successful, youthful first work of the Dionysian Fantasy to the latecomer of Aufklänge (1917), a decidedly successful variation work on the nursery rhyme "Schlaf, Kindchen, schlaf". His main work, the powerful Nature Symphony, his compact symphonic poem Wieland der Schmied (Wieland the Blacksmith), and the composer's former main success, Barbarossa from 1899, are of course not missing from the complete box set. So look forward to much powerful symphonic music by a composer who, like Felix Weingartner or Wilhelm Furtwängler, received even greater recognition as a conductor.
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