De son temps de Munich, Christian Thielemann avait commencé sa saga Bruckner, 5e impavide pour Deutsche Grammophon, l’image s’ajoutant pour des 4e et 7e (CM701908) déjà publiées par C Major, où l’espace se creusait, allant jusqu’au vertige dans la 7e. Plus encore que Wagner, il était ici chez lui, ancré dans cette tradition qu’il revendique. Mais concernant Bruckner laquelle d’ailleurs précisément? On l’associe par facilité avec Furtwängler, mais alors pas pour Bruckner justement qu’il élève hors de toute violence, dont il tient le tempo en refusant les déflagrations dont Furtwängler l’implosait. Il y a du Böhm dans sa manière, une façon d’inviter le temps long, de faire rayonner les notes, de creuser les accords, c’est sensible plus encore dans les adagios, où il cherche le son du silence. Celui de sa Sixième Symphonie (CM738208) est simplement vertigineux à force d’immobilité, il y est chez lui dans ce presque rien de sollicitation qui aux dernières pages du mouvement suscite ce rai de soleil où le hautbois chante à peine, merveille que recueille le quatuor de la Staatskapelle. Quel orchestre, tellement chez lui chez Bruckner, et qui aura appris avec Jochum à en saisir la quintessence. Sixième d’anthologie donc, à laquelle la Troisième, filmée à la Philharmonie de Munich lors de la tournée allemande de l’orchestre en septembre 2016, ne cède que d’une courte tête, un rien raidie par une volonté marquée de clarifier les textures, on le voit d’ailleurs, Thielemann y est avare de geste, alors que dans la Sixième son bras allait chercher les instruments, mais comme tout cela rayonne dans la sombre lumière des saxons ! (Discophilia - Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé) Grand wagnérien devant l’éternel, Christian Thielemann ne pouvait pas rater la 3° symphonie de Bruckner, celle précisément qui est dédiée au maître de Bayreuth. Pour cette captation réalisée dans la philharmonie de Munich, lieu de résidence de l’orchestre bavarois qu’il avait dirigé en son temps, Thielemann retient avec raison la version de 1877 d’une œuvre à la genèse compliquée. Cette rédaction intermédiaire entre la première mouture de 1873 à laquelle Wagner avait demandé de retirer les citations de ses opéras et la tardive révision de 1889, qui souffre de coupures intempestives, est la plus équilibrée et la plus satisfaisante (et bénéficie de l’ajout d’une formidable coda au scherzo). Et le chef lui insuffle une grandeur et une passion qui trouvent un parfait véhicule avec la Staatskapelle de Dresde. Disque après disque, l’entente entre le maestro et ses musiciens ne cesse de s’affermir de façon manifeste. La vidéo impressionne par la tension de l’expression de Thielemann, littéralement habité sinon possédé par l’œuvre. De l’héroïsme des allegros extrêmes à la passion tristanesque de l’adagio, chaque mouvement est joué avec une intensité bouleversante. Une interprétation magnifique, à laquelle le DVD apporte une plus-value réelle. (Richard Wander)
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