 La malchance de Myslivecek : avoir vu alors qu’il était parvenu au sommet de son art et de sa réputation éclater la bombe Mozart. Une mort soudaine et venue bien trop tôt (à 44 ans) allait achever d’envelopper son œuvre des suaires de l’oubli. Mais Mozart lui-même admirait sa musique autant que celle de Haydn. L’invention mélodique inépuisable du tchèque, la vivacité de son écriture se retrouvent dans tous les opus de jeunesse et surtout dans les premiers opéras du futur compositeur d’"Idomeneo". Mozart a-t-il entendu cet "Adamo e Eva" écrit pour Florence qui en vit la création à l’Accademia degli Ingegnosi le 24 mars 1771 ? Cela est peu probable et pourtant, dès le premier air d’Adamo « Sente ques’alma oppressa » la virtuosité dardée des vocalises, la fièvre de l’orchestre semblent si proches des pages les plus brillantes de "Mithridate". Tout l’oratorio regorge de musiques somptueuses, virtuoses, accompagnées par un orchestre où les couleurs des hautbois, des cors, des bassons, des flûtes mettent leurs feux d’artifice, il montre surtout le génie mélodique, l’habileté dramatique d’un compositeur né pour l’opéra et qui n’aura pas eu le temps de mener sa propre révolution à terme. Même avec une équipe de chant modeste où seul l’Ange de Justice de Roberta Mameli saille, les beautés de l’œuvre rayonnent, la direction brillante de Peter van Heyghen lui donnant un vrai élan de théâtre. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)  Selon son récent biographe Daniel Evan Freeman, Josef Myslicevek né en bohème en 1737, fut un des compositeurs « …les plus talentueux actif dans l'Europe de l'automne du XVIIème siècle ». Mozart lui-même trouvait son caractère et sa musique « Pleins de feu, d'esprit et de vie ». En Italie où il fit l'essentiel de sa carrière de compositeur d'opéras (26 en 15 ans !) on le dénommait « Il Divino Boémo » faute de savoir prononcer son nom. D'où vient alors le relatif oubli dans lequel on le tient aujourd'hui ? Sa mort prématurée (44 ans), la concurrence des Allemands et des Autrichiens alors très en vogue en Italie ou son style peut-être trop fidèle à une « version italienne du classicisme » (Freeman). Contrairement aux opéras qui respectent à la lettre les conventions de l'opéra séria, les huit oratorios connus à ce jour présentent davantage d'originalité. Cet « Adamo & Eva » (Florence 1771) pour quatre solistes relève de l'exégèse chrétienne traditionnelle et musicalement de ce classicisme d'un équilibre souverain mais peu visionnaire. Intrigue manichéenne (les Anges de la Justice et de la Miséricorde) mais confusion des sentiments et ambiguïté des affects que Myslicevek se plaît à caractériser avec précision dans les trois airs confiés à chaque personnage. De cette succession mathématique d'airs et de récitatifs, on retiendra le souci de varier la structure des airs (l'habituel Dal Segno) et l'accompagnement par une orchestration calibrée, restituée ici avec élégance par Il Gardellino. Si les deux airs introspectifs se languissent (le « Non ti chieggo amor » d'Eve), l'élégante ouverture les airs roboratifs des Anges, les duos réunissant les deux protagonistes et les deux cruciaux recitativo accompagnato où Eve nous livre ses tourments, offrent des moments mémorables où dramaturgie et invention musicale se marient avec la grâce, la fluidité mélodique et le naturel si chers au compositeur tchèque. (Jérôme Angouillant)

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