Dès les premières mesures, on est saisi par la densité de l'harmonie, la gravité, l'originalité du choral introductif. On se voit alors s'engager avec son auteur sur le chemin incertain éloignant progressivement du monde baroque les compositeurs de sa génération. Homilius est né en 1714, comme Carl Philipp Emanuel Bach et Gluck ! Une nouvelle trinité succède à celle de 1685 avec comme credo la sensibilité. C'est elle qui gouverne ces arias dont la mélancolie est comparable aux adagios des concertos du deuxième fils de Bach. Les arias les plus enjouées ont le charme mélodique de Graun (son Der Tod Jesu est contemporain de la Passion d'Homilius), avec plus de profondeur et d'émotion. La fréquence des interventions du chœur est atypique mais trouve sa raison d'être dans une structure très contrastée, épousant le texte au plus près (quelques récitatifs et transitions ont la démarche du mélodrame). Le dynamisme et la vérité de l'interprétation appellent autant d'éloges que devrait en gagner ce chef d'œuvre si singulièrement foisonnant de couleurs, d'images et d'affects. Ironie du sort, les manuscrits de la Passion du cantor de la Kreuzkirche de Dresde n'ont survécu qu'à Berlin et Hambourg. A l'époque où Homilius officie, les relations entre la Saxe et la Prusse sont entrées dans leur phase la plus tendue dans le contexte de la guerre de Sept Ans. Au cours d'un siège prussien, la Kreuzkirche subit fortement les bombardements. Mais la Passion est jouée à Berlin et dédiée à la princesse Amélie, la sœur de Frédéric II (ce dernier bombarda t-il la Saxe en ruminant l'infortune de ne pas avoir «eu» Hasse, le maître de chapelle de la cour de Dresde ?). Plus tard, quittant Berlin pour Hambourg en 1768, Carl Philipp Emanuel Bach emporte la partition dont il utilisera des extraits dans ses propres passions. (Pascal Edeline) Gottfried August Homilius fait partie des derniers compositeurs du 18ème siècle qui composèrent non seulement un oratorio de Pâques utilisant des poèmes en vers, mais aussi des Passions utilisant le texte biblique : en effet, quatre Passions (une d'après chaque Évangile) nous sont parvenues. Homilius, avec sa musique exprimant une immense compassion, ses couleurs orchestrales inhabituelles et ses chœurs de foule, a réussi à transposer la Passion traditionnelle à son époque. Ce n'est certainement pas un hasard si Carl Philipp Emanuel Bach, en poste à Hambourg, s'est principalement servi des Passions de Homilius, en particulier la Passion selon Saint Marc, dont il dirigea en 1770 la création (en une version écourtée) et qu'il utilisa dans 14 de ses 21 pasticcios sur la passion. With the world premiere recording of Gottfried August Homilius’s St. Mark Passion Carus continues its widely acclaimed series featuring music for Passion (St. John Passion and Passion Cantatas) by this Bach pupil and Dresden Kreuzkantor. He was among the last composers of the 18th century who, in addition to composing Passion oratorios based on entire poetic texts also continued to write Passions using biblical texts. With emotional arias, unusual orchestral sounds and expressive turba choruses Homilius translated the Passion to his time. Fritz Näf, the Basler Madrigalisten and L’arpa festante have devoted their talents and energies to this Passion of the sensitive style.
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