Dans son ultime exil, réfugié en Helvétie sans plus avoir l’espoir de revoir Prague et déjà affecté par les prémices de la maladie qui allait l’emporter trois ans plus tard, Bohuslav Martinu composera coup sur coup cette Sonatina pour clarinette, puis une autre pour trompette. Sonatina, titre trompeur, le si sombre Andante prend des teintes tragiques dans l’interprétation toute nocturne qu’en donne Anna Paulova. Martinu aura beau persiffler dans le mouvement perpétuel du final, la confidence aura été faite. Puisque ce fut tout ce que le compositeur des "Fresques de Pierro della Francesca" aura écrit pour la clarinette – préférant destiner un concerto au hautbois - Karel Husa fourni le reste de l’album. Ses liens avec l’univers de Martinu avec lequel il songea à étudier (le voyage aux Etats-Unis s’avérant difficile, il se résoudra à choisir Paris et Arthur Honegger), sont évident, et renforcé encore lorsqu’il décidera de s’installer définitivement aux Etats-Unis, exilé lui aussi. Les "Evocations de Slovaquie" avouent l’imprégnation du folklore, mais surtout la transmutation qu’il en opère pour créer un langage radicalement moderne : les hallucinations de "La Nuit" portent plus encore l’influence de Bartok que celle de Martinu. Folklore toujours, et plus littéral comme celui que Bartok notait dans ses premiers jets, pour les "Esquisses hongroises" sagement arrangées par Michael Webster, mais les Préludes de 1965 n’en portent plus trace, symphonie de timbres, concerts mystérieux qui signent l’abstraction lyrique devenue la syntaxe d’un compositeur parvenu à son apogée. Sommet du disque, et comme en regards avec la Sonatina de Martinu, la Sonata a tre, chef d’œuvre hautain et poétique à la fois où Anna Paulova et ses amis font assaut d’invention. Disque de raretés magnifiquement défendu par une équipe épatante. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé) La jeune clarinettiste tchèque Anna Paulova se fait le porte-voix de deux de ses compatriotes, que trente ans séparent, mais qu’un désir commun de se former à des perspectives plus larges pousse vers Paris, Bohuslav Martinu (1890-1959) avant la guerre (qu’il passe aux Etats-Unis), Karel Husa (1921-2016) juste après, ni l’un ni l’autre ne réintégrant la patrie alors séparée du reste de l’Europe par un rideau de fer. La Sonatine pour clarinette et piano, qui se rattache à la période néo-classique du premier compositeur, ne manque pas de grâce, mais l’attention s’éveille autrement à la découverte les pièces du second : le romantisme, plus que le concept intellectuel, est le moteur des Evocations de Slovaquie, qui puisent dans la tradition (une façon pour Husa de préserver le lien avec son pays d’origine, lui qui est né tchèque mais aime le folklore slovaque), chaque mouvement dessinant plus une ambiance qu’une concrétisation figurative, mais les Deux Préludes pour flûte, clarinette et basson se jouent de la réputation de la clarinette à moins bien s’en sortir dans le registre médium (et donnent ainsi vie à une image sonore inhabituelle) et les Trois Etudes pour clarinette seule mettent au défi l’instrument dans ses possibilités extrêmes. (Bernard Vincken) The internationally renowned Czech-born composer Karel Husa, Pulitzer Prize and Grawemeyer Award winner, gathered invaluable experience from Arthur Honegger and Nadia Boulanger, with whom he studied in Paris in the 1940s and 1950s. He was also greatly influenced by the folk music of his native Bohemia, as well as Slovakia, which is duly reflected in his Évocations de Slovaquie and Four Bohemian Sketches. Husa’s later pieces for clarinet and a variety of other instruments attest to his propensity for innovation and experimentation, yet all of them are comprehensible and listener-friendly. The present album opens with the gracious and, now and then, melancholy Sonatina by Bohuslav Martinu, who, just like Husa, studied in Paris and experienced exile sorrow. The young Czech clarinettist Anna Paulová, a Prague Spring laureate and the holder of numerous accolades from other international competitions, has enthusiastically devoted to Karel Husa over the long term. Recorded with superb instrumentalists, her Supraphon debut is likely to increase general interest in the remarkable composer’s music.
|