Henry Desmarets (1661-1718)
Circé, tragédie musicale en 1 prologue et 5 actes

Lucille Richardot, mezzo-soprano (Circé)
Aaron Sheehan, ténor (Ulysse)
Teresa Wakim, soprano (Astérie)
Jesse Blumberg, baryton (Elphénor)
Amanda Forsythe, soprano (Eolie)
Douglas Williams, basse-baryton (Polite)
Mireille Lebel, mezzo-soprano (Minerve)
James Reese, ténor (Mercure)
Margaret Carpenter Haigh, soprano (La Nymphe)
Danielle Reutter-Harrah, soprano (L'Amour)
Nola Richardson, soprano (Une Nymphe)
Mindy Ella Chu, mezzo-soprano (Une Prêtresse)
Brian Giebler, ténor (Un Amant fortuné)
Jason McStoots, ténor (Phantase)
Kyle Stegall, ténor (Aquilon)
Jonathan Woody, basse-baryton (Le Grand Prêtre)
Daniel Fridley, basse (Une Euménide)
Michael Galvin, basse-baryton (Phaebetor)
Boston Early Music Festival Orchestra & Chorus
Robert Mealy, direction
Paul O'Dette, direction musicale
Stephen Stubbs, direction musicale

Avant sa disgrâce qui l’aura contraint à l’exil en Espagne puis à ses années lorraines, Henry Desmarest reprit en quelque sorte le flambeau de Lully. "Circé" devait renouveler le succès de "Didon" qui avait sacré Desmarest, tout juste trentenaire, nouveau maître de la tragédie lyrique, mais la demi-teinte de l’accueil, qui n’autorisa que sept représentations, empêchera l’ouvrage d’être repris. Injustice, lorsque l’on entend l’alliage d’enchantements et de passions que le sujet autorise, coulant dans la veine lullyste une fantaisie supplémentaire et un élargissement des affects. Les Nouveaux Caractères sous la baguette subtile de Sébastien d’Hérin en ont offert une remarquable première au disque. Parallèlement le Boston Early Festival la créait pour le nouveau monde, conjonction inespérée qui affirme encore le caractère de chef d’œuvre d’une partition majeure de l’apogée de la Tragédie Lyrique. La nouvelle venue n’est pourtant à balayer du revers de la main. Paul O’Dette, Stephen Stubbs et Robert Mealy la rapprochent de son modèle lullyste, orchestre fin, battue mélancolique, continuo dramatique admirablement coulé dans les récits des chanteurs, danses subtilement détaillées, la compagnie de chant elle-même ne déçoit pas, soignant son français, l’Ulysse d’Aaron Sheehan, l’Elphénor de Jesse Blumberg sont de belles surprises. Que paraisse la Circée de Lucille Richardot et l’enregistrement gagne encore en valeur. Sa magicienne d’abord voluptueuse – écoutez la grande scène face à Ulysse - avant de déchaîner ses fureurs, est stupéfiante : écoutez là détruire son royaume à l’acte V, scène saisissante dans cette voix soudain si noire, véritable alternative à celle de Véronique Gens. Qui se plaindra d’avoir deux "Circé" à comparer ? (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)

De l’avis des musicologues, Henry Desmarest serait l'un des grands "destins contrariés" de la musique sous Louis XIV, un effacement que le compositeur doit en partie à la réputation envahissante de son mentor Jean-Baptiste Lully. Pourtant, le talent musical de Desmarest vaut plus qu’une réhabilitation de circonstance, comme pourrait le laisser penser cette redécouverte musicale. Créé en 1694, "Circé" est son deuxième opéra et probablement l’un des plus aboutis. L’œuvre, divisée en cinq actes, alterne intermèdes dansés et airs vocaux d’une agréable fantaisie. Le langage musical de Desmarets, fait de légèreté et d’élégance rend pleinement justice à la période de l’opéra baroque. A l’image des compositions du surintendant Lully, l’orchestration de "Circé" est riche et s’appuie sur cinq voix de cordes (un violon, trois parties d’alto et une basse) qui, de l’avis même des musiciens de la phalange de Boston, produisent les meilleurs timbres. La mezzo-soprano Lucile Richardot, à qui est confié le rôle-titre ne cède pas à la théâtralisation. Son chant brille par sa sensualité. Aaron Sheehan est un Ulysse à la voix de velours et à l’articulation irréprochable. La distribution vocale est au diapason. Côté instrumental, l’orchestre s’emploie à faire jaillir les couleurs d’une œuvre, qui rare à la scène, dispose désormais d’un enregistrement discographique de qualité. (Jacques Potard)

The latest release from the outstanding Boston Early Music Festival (BEMF) is devoted to the monumental opera Circé by Henry Desmarest. Lully's death in 1687 was a defining moment in the history of French opera. Until then, his dominance in tragédie en musique was almost as great as Louis XIV's dominance in French politics. The 1690s then saw a veritable explosion of new voices on the French operatic stage - both among composers and librettists. Some composers, such as Pascal Colasse, sought to maintain the closest possible proximity to Lully's model, while others, such as Charpentier, Marais, Campra, Desmarest, and their librettists, betrayed a voice and vision all their own from the beginning. More recently, BEMF became aware of the composer Henry Desmarest and the fact that he wrote his first two tragedies in 1693 and 1694 on texts by Louise-Geneviève Gillot de Saintonge, the first librettist in the field of tragédie en musique. BEMF chose Circé (1694), the second of these works - partly because of the quality of the score and partly because Desmarest and Saintonge had clearly been inspired by the artistic success Charpentier and his librettist Thomas Corneille achieved with their Médée of 1693.