 Un peu moins de quarante années au XVIIIe siècle, juste la moitié d’un siècle au XIXe, tel est le parcours de l’existence d’Adalbert Gyrowetz, et, avec celui-ci, l’occasion de questionner la validité des périodisations séculaires ainsi que celle des formes esthétiques. En effet, Gyrowetz, Vojtech Jírovec, né à Budweis dans le Royaume de Bohême, était un homme et un compositeur faits, dans la tradition classique de Mozart et surtout de Haydn, qu’il accompagna à Londres en 1791-92, lorsque la révolution romantique s’empara du devant de la scène musicale. L’amitié de Beethoven ne parvient pas à faire évoluer son esthétique et le coruscant Berlioz n’hésitait d’ailleurs pas à écrire de lui : « Je ne crois pas que jamais chaudronnier, marchand de peaux de lapins, épicier romain ou barbier napolitain ait rêvé de pareilles platitudes » (Les Grotesques de la musique, 1859, p. 20). Écoutons donc ces trois quatuors avec flûte des années 1798-99 pour vérifier ou infirmer une réputation a priori dégradée. Écrits dans les tonalités majeures d’Ut, Sol et Ré, caractéristiques du style classique, ces quatuors se composent de trois mouvements, rapide-lent-rapide, et sont de dix (La Majeur K.298) à vingt ans (Ré Majeur K.285) postérieurs à ceux de Mozart, tout en se développant dans des durées correspondant plutôt à des œuvres en quatre mouvements. Notons également que ces quatuors ne font pas de la flûte un instrument brillamment concertant qui éclipserait ses partenaires : ils l’intègrent parfaitement au discours des cordes comme les vents se fondent dans une orchestration ou la pimentent, ce qui est d’autant plus vrai que Girowetz use largement d’un traitement orchestral des instruments. Dans ces œuvres où, contrairement à l’idée reçue et aux critiques acerbes, le plaisir se conjoint à l’esprit, les mouvements lents sont — me semble-t-il — les plus remarquables : opératique dans le premier, d’un lyrisme vénitien dans le second, et malicieusement varié dans le troisième. Interprétation élégante et enjouée, au-dessus de tout soupçon, de la part du Ardinghello Ensemble avec mention spéciale pour la sonorité boisée de la flûte de Karl Kaiser. (Jacques-Philippe Saint-Gerand)  Adalbert Gyrowetz is one of the numerous, highly talented Czech musicians of the 18th century who received an excellent education in Prague and then turned to the musical centers of Europe. His music is strongly influenced by the classical language of Haydn. Architectural structures, harmonic progressions of tension, instrumentation, disposition of a cycle, representation of affect, and the general idea of music as a balanced language of feeling and reason dominate the aesthetics of this style. The quartets for flute and string trio are all in three movements with the tempo sequence fast-slow-fast. Around 1800 this was rather the exception, since Haydn's mature string quartets had established four movements. The duration of the pieces is about the same as the total duration of a "normal" four-movement chamber work of the time. In addition, it is interesting that the voices, especially those of the flute, violin, but also viola and cello, feature rapid and virtuosic solos. Gyrowetz thus writes a cycle of three lively quartets that want to be nothing more than virtuoso divertissements and amusements with esprit. The composer has succeeded in this!

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