 Le souvenir reste de l’interprétation en 1927 et 1929, par Jacques Thibault et Alfred Cortot, des Sonates en la majeur FWV8 de Franck et du seul op. 13 de Fauré (Angel Records 2025). On pourrait également évoquer pour Franck, mais alors couplé à Guillaume Lekeu, Christian Ferras et Pierre Barbizet (DG 139 124). De même l’admirable violon d’Arthur Grumiaux, accompagné de György Sebök dans Franck et de Paul Crossley dans Fauré, a-t-il été longtemps une référence absolue dans un enregistrement à l’identique programme (Decca 426 384-2) de celui plus récemment offert par le duo formé de Tedi Papavrami et Nelson Goerner (Alpha 271), qui, en 2017, rejoignit ces très glorieux prédécesseurs. Avec chaleur et fougue, mais également finesse et subtilité (Andante et Scherzo de la Sonate op. 13 de Fauré, ou Recitativo de la Sonate de Franck), Éric Lacrouts et Jean-Baptiste Fonlupt proposent ici des interprétations modernes, remarquablement pensées et exécutées, dans une prise de son de première qualité. De 1876 à 1886 puis 1916, ces trois œuvres ont marqué l’évolution d’une forme initialement classique, progressivement détournée vers la modernité par d’incessants changements d’humeurs rythmiques et de climats harmoniques qui signent là les tourments post-romantiques de la France des débuts de la IIIe République et qui amènent interprètes et auditeurs à explorer les espaces d’un nouveau langage musical que vont occuper Debussy (1916) et Ravel (1922-1927) avec leurs propres sonates pour violon et piano. Il n’est guère étonnant, en ce sens, que Proust ait pu entrevoir en ces œuvres de Franck et de Fauré comme l’hypothétique hologramme réminiscent de la « petite phrase de la Sonate de Vinteuil », témoignage d’un temps qui fut et qui n’est plus à l’heure de la rédaction de la Recherche du temps perdu (1913-1927). Avec ce nouvel enregistrement nous tenons un nouveau jalon absolument remarquable de l’histoire de l’évolution des interprétations de ces œuvres. (Jacques-Philippe Saint-Gerand)  Eric Lacrouts, Violon Solo de l’Opéra Bastille signe ici avec l’étonnant pianiste Jean-Baptiste Fonlupt une très belle version de la Sonate pour piano et violon de Franck ainsi que les deux ( en La Majeur et en Mi Majeur) de Fauré. C‘est avec un plaisir non dissimulé que nous retrouvons ce merveilleux violoniste après avoir eu l’occasion d’enregistrer avec lui un ensemble de pièces pour violon et marimba, les Concertos pour deux claviers de J.S. Bach avec Hervé et Désiré N’Kaoua, et le Grand Duo de Botteisni avec Laurène Durantel.
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