Le « Fading » indiqué sur la sobre pochette de ce disque du Gesualdo Six signifie un évanouissement, une diminution progressive du son ou de la lumière. Owain Park, directeur de cet ensemble fondé en 2014, toujours soucieux de relier ses programmes à des thématiques précises, a basé ce nouvel album sur ce passage doucereux du couchant du soleil à la clarté lunaire où la nuit se dévoile. L'office des Complies du soir, dernière prière de la journée, qui depuis le quatorzième siècle a inspiré bien des compositeurs. Le choix des œuvres est ici intelligemment diversifié, allant de la Renaissance Européenne (Byrd, Talllis, Tye, Marenzio, Gesualdo, Lobo) à un répertoire contemporain plutôt Anglo-saxon (à part l'estonien Veljo Tormis, bien représenté). Gesualdo Six peut compter sur un équilibre rigoureux des voix, deux contre-ténors, deux basses, un baryton, un ténor. Les pièces, plain chant et polyphonie, de Tallis, de Byrd, de Lobo sont ainsi restituées avec une délectable sensualité (Ah ces phrasés languides !) que rehausse encore une prise de son au cordeau. On regretterait presque l'absence de son vibré, de tremblements, de vibrations, tant le son de l'ensemble s'étend verticalement comme une onde sublime, nous installant dans un état de lévitation extatique et de relaxation qui illustre l'esprit mystique des œuvres sans en faire extruder le sens et l'expressivité (Marenzio et Gesualdo). Le langoureux et sublime Média Vita de Nicolas Gombert y échappe par magie. Owain signe lui-même un Phos Hilarion d'une hypnotique fadeur. Quelques pièces contemporaines heureusement réclament davantage de dynamiques et de contrastes et nous font redescendre sur le plancher des vaches. S'opposent ainsi la fluide homophonie des mélodies ludiques de Tormis (Four Estonian lullabies) et des songs de Gerda Blok Wilson et de Sarah Rimkus ; et la polyphonie déstructurée des pièces de Joanna Marsh et de Jonathan Seers. Une réalisation passionnante qui complète un parcours sans faute (Les deux albums précédents d'Owain Park que nous avons salué dans ces colonnes). (Jérôme Angouillant)
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