 Il y a tout d'abord ce son, d'une texture, d'une beauté à couper le souffle : Les Gesualdo Six sont égaux à eux-mêmes. Et ils sont toujours amateurs de jeux de miroirs : Ici, ils mettent en regard quatre œuvres trouvant leur place dans les Offices de la Semaine Sainte. Deux monuments du répertoire sacré de la fin de la Renaissance : Les Lamentations de Jérémie, publiées en Angleterre, en 1569, par Thomas Tallis (1505-1585) et les Répons des Ténèbres, publiés en son château par Carlo Gesualdo (1566-1613) en 1611, comme ses deux derniers livres de madrigaux. Et deux miniatures, dans la même tonalité spirituelle, de deux compositrices britanniques contemporaines : « Watch with me », publié en 2016 par la compositrice et mezzo Judith Bingham, née en 1952, et « Christus factus est » de Joanna Ward (née en 1998). Le rapprochement s'impose : Nos contemporaines ont été inspirées par le caractère poignant, mélancolique et ténébreux des œuvres de leurs aînés, par leurs audaces harmoniques, leurs chromatismes. Les Lamentations de Jérémie, évoquant la déportation d'Israël à Babylone, sont à rapporter à la situation difficile vécue par Tallis, resté catholique au service de commanditaires anglicans. Elles représentent un des sommets de l'art contrapuntique de la Renaissance finissante. Les Répons des Ténèbres de Gesualdo, synthèse entre les techniques polyphoniques exigeantes de la Renaissance et la spiritualité personnelle du compositeur, toute de mystique, de contrition et de mortification, ne tiennent guère compte des recommandations musicales du Concile de Trente : Le Prince de Venosa, au contraire de son homologue britannique, n'avait de compte à rendre à personne. Comme les « Répons », les œuvres du XXIème siècle se réfèrent aux textes évangéliques sur la Passion du Christ. Par sa beauté sonore comme par son homogénéité esthétique et spirituelle, cet album, qui enjambe cinq siècles, emporte l'adhésion. (Marc Galand)

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